Santé. Au Vietnam, trente pays cherchent à limiter la propagation du virus de la grippe aviaire.
Vacciner le poulet protège l'humain
Par Arnaud DUBUS
samedi 26 février 2005 (Liberation - 06:00)
Bangkok de notre correspondant
il n'est plus question d'éradiquer le virus de la grippe aviaire devenu endémique en Asie du Sud-Est, mais de limiter sa propagation par tous les moyens possibles. C'est le constat fait par des scientifiques et des représentants d'une trentaine de pays réunis cette semaine à Hô Chi Minh-ville, au Vietnam, pour mettre au point une stratégie à long terme face au fléau. L'annonce vendredi par Hanoï d'un nouveau cas humain de la maladie le premier cas dans le pays en trois semaines confirme que ce virus, «versatile et coriace», selon les termes d'un représentant de l'Organisation mondiale de la santé, va continuer ses ravages.
Hygiène. L'attention s'était jusqu'à présent focalisée sur le risque de mutation génétique du virus de la grippe du poulet, qui aboutirait à une nouvelle souche virale susceptible de se propager chez les humains et d'y faire des millions de victimes. Les experts réunis à Hô Chi Minh-ville estiment qu'il faut désormais se recentrer sur la lutte contre la maladie à sa source : «Si vous voulez combattre la grippe aviaire, vous devez la combattre dans les animaux», a indiqué Erwin Northoff, un officier d'information de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Pour cela, la priorité est de changer les méthodes d'élevage des volailles dans la plupart des pays d'Asie du Sud-Est. Dans les fermes familiales au Cambodge, au Vietnam, au Laos et en Thaïlande, les poulets sont élevés en liberté, en contact étroit avec les autres animaux de ferme dont les canards, qui constituent le réservoir du virus de la grippe aviaire et les hommes, susceptibles, eux aussi, d'être infectés. Un milieu idéal pour la transmission et la mutation du virus. «Il faut absolument qu'on change ces pratiques, surtout au Vietnam, dont l'arrière-pays est une grande ferme où animaux et éléments humains se mélangent entre eux. Il faut séparer les animaux par des moyens artificiels comme on l'a fait dans le passé en Europe», explique Anton Rychener, représentant de la FAO au Vietnam. Cela implique des enclos particuliers pour chaque espèce de la ferme et un renforcement des règles d'hygiène. Et surtout une campagne d'information qui convainque les paysans de l'importance de ces mesures.
La vaccination des volailles apparaît comme l'un des outils les plus prometteurs de l'arsenal antigrippe aviaire. Cette année, la Chine seul pays à avoir mis en pratique une campagne sérieuse de vaccination des poulets affirme ne pas avoir de foyer de contamination. La Thaïlande et le Vietnam envisagent de copier le grand voisin du Nord. «Les campagnes de vaccination sont inévitables si l'on veut pouvoir contrôler la situation. Nous avons préparé un projet avec les autorités vietnamiennes qui inclut, entre autres, la vaccination», dit Anton Rychener. Pour la Thaïlande, quatrième exportateur mondial de volailles, une telle campagne est risquée, car de nombreux pays sont réticents à acheter des poulets vaccinés, le vaccin restant dans le sang de l'animal mort. Pour cette raison, Bangkok, qui va commencer des tests de vaccins dans deux provinces-pilotes, ne fera traiter que les canards et les poulets élevés en liberté, les oiseaux exotiques et les coqs de combats, mais pas les volailles destinées à l'exportation. Les volailles vaccinées peuvent aussi devenir des «porteurs sains» du virus, c'est-à-dire être infectées sans en avoir les symptômes. Ce qui augmente le risque de contamination humaine.
Au terme de cette conférence organisée par la FAO et l'Office international des épizooties, un appel a été lancé pour que les pays développés augmentent leurs contributions pour la lutte contre cette maladie. Samuel Jutzi, directeur du département de la santé animale au sein de la FAO, a estimé que les quelque 14 millions d'euros versés jusqu'à présent par la communauté internationale étaient «absolument insuffisants étant donné l'ampleur de la menace».
Selon lui, 80 millions d'euros sont nécessaires à court terme pour aider les pays à installer des systèmes de surveillance sanitaire et à pouvoir réagir en cas d'apparition d'un foyer de contamination.
Réticences. La faiblesse des contributions financières a aussi sapé l'efficacité des campagnes d'abattage massif de volailles qui ont eu lieu au Vietnam l'an dernier : la plupart des paysans n'ont pas été dédommagés et sont désormais réticents à informer les autorités de l'état sanitaire de leurs élevages. «Il faut au moins compenser les pertes à 80 % si l'on veut obtenir la coopération des paysans», estime Anton Rychener.