Xavier d'Abzac dénonce la calomnie de Chea Kamnoeut
AKP Phnom Penh, 04 mars 2005 --
Le 28 février 2005, Xavier d'Abzac, conseiller spécial du Ranariddh a écrit une lettre ouverte dénonçant la propagande calomnieuse faite par Chea Kamnoeut, un Cambodgien à Paris, dans sa lettre datée du 19 février 2005 à l'attention de Xavier d'Abzac.
En voici la teneur :
Votre texte, au style très enlevé et rapide comme je les aime, amalgame attaques personnelles, informations fausses, sélection très personnelle d'indicateurs économiques, demandes de sanctions internationales et annonce d'une guerre civile. Rassurez-vous, avec le temps, la connaissance et les expériences de la vie, le ressentiment s'estompe et devient compassion.
Vous m'attribuez un « intérêt pécuniaire personnel » dans ma situation. J'ai aussitôt fait interroger quelque détracteur et autre contempteur virulents que je me flatte d'avoir. « il n'y a même pas ça, il est fauché comme les blés en été et ne peut même pas s'acheter une petite voiture », ont-ils répondu.
Venu à plusieurs reprises au Cambodge dans les années 80 aussi bien dans les zones libérées de l'occupant vietnamien que dans celles encore occupées, installé en permanence à Phnom Penh depuis 1992, j'ai été un témoin privilégié de l'évolution du Royaume pour cette période de son histoire et je remercie le ciel de m'avoir donné l'incomparable bonheur de vivre parmi les courageux et dignes Cambodgiens de toutes conditions. Pour rien au monde je n'échangerai ces instants magiques contre d'autres et ailleurs.
En 1992, la Capitale ne possédait pratiquement pas d'électricité. Aujourd'hui, à part quelques coupures dans certains quartiers dûes à une demande en pleine croissance, l'électricité est disponible partout. De presque zéro en 1992, la production est à présent de 110 mégawatts pour la seule Capitale. Les progrès continueront avec de nouvelles centrales de production d'énergie bientôt ouvertes. Aujourd'hui la vie nocturne de Phnom Penh est bon enfant et rien n'est plus joli à voir à minuit que les étals des commerçants, éclairés comme en plein jour aux abords du stade olympique ou sur le boulevard Monivong, proposer des centaines de tonnes de fruits et légumes.
Le parc automobile était constitué en 1992 principalement des voitures officielles du gouvernement et de l'Administration. Le bonheur de circuler sans entraves était total pour ceux qui connaissaient les affres de la circulation des grandes métropoles étrangères. Aujourd'hui, Phnom Penh, championne du monde en matière de gains d'espaces verts, s'ennorgueillit de quelques magnifiques embouteillages aux heures de rentrée et de sortie des écoles et universités où se précipitent des dizaines de milliers d'écoliers et d'étudiants venus en voiture, en cyclo ou à moto. D'à peine quelques centaines en 1992, plus de 180 000 véhicules sillonnent les routes du Cambodge en 2005.
Jusqu'en 1991, la presse se réduisait à la diffusion d'un seul journal publié en noir et blanc sur un pauvre papier en format 21 x 29,7. Il était rédigé par les équipes de propagande du parti unique. Cette même presse est devenue l'une des plus libres du monde avec plus de 100 journaux et magazines en plus de la presse étrangère, 7 chaînes nationales de TV, 16 stations de radio (15 en FM) auxquelles il convient d'ajouter la libre pénétration de plus de 50 chaînes de TV étrangères par câble et satellite. La presse d'opposition est totalement libre d'user, voire d'abuser, de ses critiques.
Les services postaux se développent rapidement sur le territoire national et un service express international cambodgien expédie 2 fois par jour lettres et colis à destination de 90 pays en attendant mieux. Le téléphone est disponible à présent sur tout le territoire. Enfin, internet est accessible sans restriction et l'ensemble du territoire est déjà quasiment couvert par le« web ».
Les universités ont des programmes d'enseignement par télé-conférence et sont reliées avec les plus prestigieuses banques de données de tous les continents. Progrès ou récession?
Les investissements publics et privés, quasiment nuls avant 1991, ont atteint près de 800 millions de US dollars en 2003 et cette même année la consommation des ménages a progressé de 1l %. Progrès ou une récession?
Les exportations ont connu une augmentation en valeur de 16,8% et ont atteint plus de 2 milliards de US dollars en 2003. Les importations ont connu une hausse de 19% à la même période pour les matières premières utilisées dans l'industrie de la confection et une hausse de 21,6% en ressources énergétiques alors que les importations de produits alimentaires baissaient grâce à une meilleure productivité agricole dûe aux initiatives des seuls Cambodgiens. L'industrie de la confection textile est en bonne santé et nous espérons que la fin du régime des quotas ne la pénalisera pas. 18 nouvelles usines de textile vont ouvrir prochainement et cela est encourageant notamment pour l'emploi. Progrès ou récession?
Le tourisme, autre secteur porteur, a connu une hausse importante en 2004 avec l'arrivée d'un million de touristes étrangers. Les premiers touristes en nombre sont les Cambodgiens. Cette croissance a incité des groupes nationaux et internationaux à investir plus qu'ils ne l'avaient prévu dans cette industrie. Les infrastructures touristiques en bénéficieront également et près de 40 millions de US dollars supplémentaires y seront investis en 2005 en plus des investissements déjà programmés. La seule ville de Siemreap possède des dizaines d'hotels dont 7 de la catégorie 5 étoiles. Progrès ou récession?
Entre 1993 et 2003, le PNB, à valeur constante, a progressé comme ci-après par secteur:
Agriculture: de 858 millions de US dollars à 1213 millions.
Industrie: de 304,3 millions de US dollars à 1018 millions
Services: de 892,4 millions de US dollars à 1332 millions Progrès ou récession?
Certes les progrès ne sont jamais suffisants. Certes il y a encore, et il y aura toujours, de meilleurs résultats à obtenir. Mais les Cambodgiens sont courageux et déterminés à progresser et la génération montante est prometteuse. Oui, le système judiciaire doit être amélioré et rapidement, avec notamment l'obtention d'une hausse des soldes des magistrats et fonctionnaires de justice. Oui, les coûts cachés de certaines transactions économiques doivent disparaître. Entre nous, cher ami, quelle rigolade en comparaison des milliards de dollars scandaleusement détournés en toute impunité dans les pays développés d'Asie, d'Europe et d'Amérique du nord sur la seule période des 5 dernières années. Vous portez aux nues les organismes internationaux mais que dites-vous du scandale de détournement de dizaines de millions de dollars avec le programme « pétrole contre nourriture » qui a touché l'ONU en Irak? Les tortures sur des prisonniers de guerre effectuées par ceux qui s'appellent les champions du monde libre de la démocratie et des droits de l'Homme? Est-ce là votre démocratie de référence? Est-ce là votre justice de référence? Est-ce que ce sont eux que vous appelez à sanctionner votre pays?
Le Cambodge n'a pas le monopole des dysfonctionnements de la démocratie et de la justice. La démocratie ne survient pas soudainement comme du café instantané et le Cambodge n'a pas à rougir de ses résultats.
Quant au Code pénal, dont vous soulignez l'absence, ses quelque 800 articles seront adoptés en principe cette année. Le travail réalisé par les Cambodgiens eux-mêmes sur ce Code a été phénoménal. Vous soulignez les imperfections du Code civil. Mais c'est un fondement même de la démocratie de légiférer continuellement à l'instar des parlements démocratiques. Aucun Code n'est définitif et il doit être amendé au fur et à mesure de l'évolution de la société.
Vous vous référez aux grandes organisations internationales de développement comme étant la panacée. Savez-vous qu'un grand bailleur de fonds du Royaume a conduit pendant 8 ans des programmes de développement agricole, a dépensé près de 100 millions de US dollars (en augmentant la dette en conséquence) puis a cessé ses programmes pour manque de résultats? Ces grands experts ne savent même pas planter des salades et les grands hôtels du Cambodge importent par avion toute une partie de la nourriture servie aux touristes. Il faut 5 semaines pour planter une salade et la manger et certainement pas 8 ans! Huit ans d'investissements massifs et d'expertise internationale pour un tel résultat, faut-il donc toujours vous référer aux grandes agences internationales de soi-disant développement? Si je n'ignore certainement pas, -je vous cite-: « le tableau très noir peint par des organismes internationaux», je n'ignore certainement pas non plus les résultats de ces mêmes grands organismes internationaux et suis persuadé qu'en refusant certaines aides dans les années du SRN le Prince (à l'époque) Norodom Sihanouk avait parfaitement raison. Les armoires de l'Administration sont actuellement pleines d'études d'experts, constituant une partie de la dette du Cambodge. Obsolètes, inutiles, elles ne seront jamais utilisées. Rédiger les sacro-saints termes de références pour une étude sur l'eau potable, recruter pendant 6 mois un « expert» à 10000 dollars par mois pour interroger 1 000 Cambodgiens sur leur accès à l'eau potable alors que l'on sait déjà qu'il n'y a pas un seul robinet dans le quartier, facturer cette étude 200 000 dollars, c'est se moquer du Cambodge et des Cambodgiens. C'est aussi les voler. Le comble est atteint avec des études sur les études, au motif d'une évaluation de leur impact. Il y a des coups de pied à l'arrière-train qui se perdent.
Le président de la Banque Mondiale a eu raison à Phnom Penh le 11 février de dire qu'il fallait impérativement réduire la corruption. Il a eu raison également d'accorder au Cambodge, « car il le mérite » (sic), un prêt immédiat de 10 millions de dollars « pour soutenir sa politique consistant à faire de la responsabilité sociale de ses entreprises une stratégie nationale» (re-sic). Pascal Lamy, ancien Commissaire européen et candidat à la direction générale de l'OMC, a mis en avant la création de 30 000 emplois en 2004 dans le textile et indiqué que « le Cambodge est un rare exemple de cohérence entre les efforts du FMI, de l'OMC et de la CNUCED (conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement». Bill Clinton, dans un message video lors de la conférence organisée par le gouvernement royal et la Banque mondiale, a qualifié le pari social du gouvernement cambodgien d'« exemple puissant pour le monde entier ». La BAD vient d'accorder un prêt de 104 millions de dollars au Cambodge. Est-ce là un « tableau très noir peint par les organismes internationaux »? Sont-ce là les prémisses d'une guerre civile que vous nous annoncez si légèrement?
Votre appréciation sur S.A.R. le Prince Norodom Ranariddh est tout à fait extravagante et ne mérite pas de s'y attarder. La calomnie gratuite n'est pas honorable. Par contre, j'accepterai volontiers de parler avec vous du bilan de S.A.R. Samdech Krom Preah.
A propos du Cambodge, cher ami, nous ne devons pas puiser aux mêmes sources nos informations. Il est vrai que les miennes proviennent en premier lieu de la population, en deuxième lieu de ce que je vois tous les jours sur place et en dernier lieu des organismes internationaux dont le fonds de commerce consiste souvent à faire fructifier des intérêts qui ne sont pas nécessairment ceux du Cambodge. Par exemple, forcer le Cambodge à abaisser ses barrières douanières est-il son intérêt bien compris?
Comme vous je suis profondément blessé de voir encore des inégalités au Cambodge mais je le suis également pour celles criantes et honteuses dans les démocraties les plus avancées. Les millions de laissés pour compte de l'Amérique du nord ou de l'Europe sont scandaleusement maltraités et les fractures sociales augmentent dramatiquement au moment même où la richesse de ces pays n'a jamais été aussi grande. Ce que je vois au Cambodge, c'est un peuple d'une dignité absolue en marche vers le progrès. Rien ne me fait plus plaisir que de voir les routes du Royaume pleines de voitures pendant les week-end transportant des Cambodgiens allant visiter leur famille dans leur village ou aller à la plage. Cela est nouveau. Le peuple cambodgien mérite notre admiration et notre soutien actif et déterminé. Et certainement pas des sanctions.
En espérant, cher ami, avoir le plaisir de vous accueillir personnellement un jour dans votre pays. A la fortune du pot car je ne suis pas riche! Bien à vous. -- AKP
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