Dans les campagnes cambodgiennes: "seule la pluie peut

Dans les campagnes cambodgiennes: "seule la pluie peut nous sauver"

KOMPONG SPEU (Cambodge), 19 avr 2005 (AMI) - Sopheap Penh, un paysan de la province de Kompong Speu, à l'ouest de Phnom Penh, se désespère de la sècheresse, la pire qu'ait connue le Cambodge en 50 ans.

"Mes bêtes sont malades. Mon champ et mon ruisseau sont secs depuis plusieurs mois. On ne va pas tenir longtemps", dit-il.

Le Prek Tkmaout qui, quelques mois auparavant, irriguait les champs de la province de Kompong Speu, est aujourd'hui totalement à sec. La vue des rizières alentour est affligeante: plusieurs centaines d'hectares d'exploitations ont été ravagés.

Il n'a pas plu depuis le mois d'octobre 2004, certaines provinces enregistrent actuellement des températures de 40 degrés. Quatorze des 24 provinces cambodgiennes sont touchées par la sécheresse.

"Nous avons perdu toute notre récolte. C'est une catastrophe", dit Ta Mom, chef du village de Paing Lovea, dans la province de Kompong Speu, l'une des plus sinistrées du royaume.

Au moins "537.340 tonnes de riz ont été perdues cette année sur les deux millions d'hectares cultivés au Cambodge, c'est un manque énorme que le pays va ressentir douloureusement dans les mois à venir", prédit Nhim Vandha, vice-président de la Commission nationale de gestion des catastrophes naturelles.

"Le riz stocké dans les réserves ne sera pas suffisant pour nourrir toute la population", affirme-t-il, "seule la pluie pourra nous sauver".

Inévitablement, les prix ont bondi. "La valeur de la tonne de riz a augmenté de plus de 50% depuis 2004", dit à l'AFP le Dr Uy Sam-Ath, directeur du Departement de gestion des catastrophes naturelles de la Croix Rouge cambogienne.

"Mais cette augmentation ne profite qu'aux fermiers les plus riches. Les exploitants les plus pauvres ne disposent d'aucun moyen pour lutter contre la sécheresse et sont ruinés. Beaucoup de personnes n'ont plus rien à manger", ajoute-t-il.

De 500.000 à 700.000 Cambodgiens souffrent cette année de la sécheresse, d'après les déclarations du gouvernement.

"Les plus démunis sont contraints de creuser des trous pour trouver de l'eau et se contentent de 2 à 3 kilos de riz par jour", affirme Ta Mom, soit seulement un bol de riz par jour par personne pour une famille moyenne de 8 personnes.

Fin mars, le Premier Ministre Hun Sen a lancé un appel à une aide internationale et a affirmé qu'il ne laisserait pas les Cambodgiens mourir de faim, ni le pays basculer dans une catastrophe humanitaire.

La Croix Rouge s'est engagée à venir en aide à 60.000 familles démunies. Elle va distribuer 142.500 tonnes de riz à travers le pays cette année.

"Le tonnage de riz distribué augmentera si le gouvernement cambodgien déclare officiellement l'état de catastrophe naturelle", dit le Dr Uy Sam-Ath.

Le Programme alimentaire mondial (PAM) secourt actuellement 9.801 familles et prévoit de leur apporter 1.000 tonnes de riz dans les provinces.

Sur le conseil de l'ancien roi du Cambodge, Norodom Sihanouk, les membres du gouvernement et de la famille royale ont également commencé à distribuer dans les campagnes du riz, des conserves de poisson ainsi que des vêtements.

Le gouvernement a donné plus de 300.000 hectares de terres cultivables aux fermiers et a apporté une aide logistique à la réhabilitation de 200.000 hectares de terres asséchées. De nombreux puits et lacs artificiels sont également en train d'être creusés.

Mais certaines provinces sont encore totalement privées d'aide humanitaire.

Ainsi, dans la province de Kompong Speu, les villages reculés ne disposent d'aucun secours. "Nous sommes seuls face à nous-mêmes", constate amèrement Ta Mom devant une assemblée de son village.

"La vie est devenu trop dure dans les campagne cambodgiennes, alors, tous les jeunes s'enfuient en ville. Près de 500 jeunes ont quitté le village en moins de 10 ans. Et ces derniers mois, ce phénomène s'est accentué. On ne peut pas leur en vouloir".
AMI