L' Eau et la terre
Au nom de tous les miens
Après Impasse et Rouge, Séra livre un nouveau récit intimement lié à la tragédie qu’a vécu son Cambodge natal. Il s’attache aux jours qui suivent le 17 avril 1975, date à laquelle les Khmers rouges entrent dans Phnom Penh, la capitale, semant la terreur dans tout le pays.
Nous suivons ici des hommes et des femmes qui fuient les villes, des paysans témoins de cet exode et des Khmers rouges qui obéissent aux ordres sans chercher à les comprendre ou sans les approuver.
Le style graphique de Séra est résolument étrange : il allie extrême réalisme et effets de flou qui brouillent en partie ses images et les dotent d’un côté décalé, presque fantastique. Ce parti pris peut parfois gêner, paraître gratuit.
Il n’en est rien dans cet album : ce style permet à Séra de plonger à vif dans son sujet, de faire corps avec lui, en donnant le versant réaliste - le côté documentaire de cet ouvrage inspiré de faits et d’anecdotes réels -, comme l’aspect allégorique : la fillette aux allumettes, le père qui décapite ses deux enfants devenus soldats de l’Angkar… sont autant de symboles du mouvement de destruction du pays.
L’eau et la terre marque d’autant plus l’esprit qu’il touche sans tomber dans la facilité et le pathos ; album sensible et retenu, l’horreur qu’il évoque n’en paraît que plus épouvantable.
Boris
22 Juin 2005
Editeur : Delcourt
Collection : Mirages
Avril 2005 - 112 Pages