Le renforcement des pouvoirs du Premier ministre Thaksin Shinawatra dans le sud musulman de la Thaïlande risque de provoquer une nouvelle escalade des violences, ont déclaré dimanche des analystes.
• Sukree Sukplang (AFP/AFP/Pool/Archives - dimanche 17 juillet 2005, 9h20)
dimanche 17 juillet 2005, 9h20
Thaïlande: le durcissement de Bangkok dans le sud risque d'entraîner une escalade des violences
BANGKOK (AFP) - Le renforcement des pouvoirs du Premier ministre Thaksin Shinawatra dans le sud musulman de la Thaïlande risque de provoquer une nouvelle escalade des violences, ont déclaré dimanche des analystes.
Le gouvernement a publié vendredi un décret conférant au Premier ministre une partie des pouvoirs de l'armée et l'autorisant à déclarer l'état d'urgence dans des provinces où des violences ont fait plus de 810 morts depuis janvier 2004.
Le Premier ministre s'est accordé ces vastes pouvoirs au lendemain d'une offensive qui a fait quatre nouveaux morts et d'attentats à la bombe qui ont paralysé la ville de Yala.
Ces mesures ont suscité des craintes qu'elles n'aient un effet contraire au but recherché.
Somboon Ahmad Bualuang, un musulman membre du Conseil de réconciliation nationale créé en mars pour faire des propositions de paix, a estimé qu'elle donnaient trop de pouvoirs à M. Thaksin sans rien faire pour faciliter une solution.
"La seule manière de traiter le problème est par la voie pacifique. Thaksin a écouté nos propositions mais il ne les a jamais mises en application dans le sud" où vit l'essentiel de la minorité musulmane de la Thaïlande, dit-il.
Le quotidien The Nation craint aussi que les violations des droits de l'homme n'empirent et que l'aliénation des musulmans ne se renforce.
"Le gouvernement n'a pas su gagner la confiance des musulmans thaïlandais dans l'Etat, un échec qui a contribué à la détérioration de la situation. Il est impossible de comprendre logiquement comment le gouvernement peut croire que les pouvoirs absolus de Thaksin -- ce qui va accroître la méfiance à coup sur -- soient une bonne solution", écrit-il.
Le Pr Panitan Wattanayagorn, un spécialiste du sud, estime que Bangkok pourra enregistrer des bénéfices à court terme en renforçant le contrôle des services du Premier ministre sur les forces de sécurité.
"Mais je ne pense pas que cela fonctionnera à long terme", dit-il.
En attendant, les violences se poursuivent.
Dimanche, les autorités ont annoncé que deux policiers avaient été tués la veille dans la province de Narathiwat.
Dans celle de Yala, deux autres policiers et un passant ont été blessés dimanche dans un attentat à la bombe contre une voiture de police.
Au début de l'insurrection, M. Thaksin avait opté pour la fermeté mais depuis sa réélection en février il avait choisi une approche plus conciliante.
Les violences avaient diminué un temps mais ont repris en juin avec une série de décapitations et d'attentats.
Un responsable gouvernemental a estimé que le raid sur Yala avait été "la goutte qui fait déborder le vase".
Le gouvernement avait approuvé mardi un budget spécial de 66,3 millions de dollars pour l'acquisition d'armes et d'hélicoptères de combat pour le Sud.
Bangkok impute la violence à des séparatistes musulmans, des trafiquants et des réseaux du crime organisé.