SAMBATH AURA 4 ANS le 10 novembre. La petite fille, dont le prénom signifie trésor en khmer, vit à Phnom Penh (Cambodge) au bord d'un affluent du Mékong. Trop jeune pour l'école, elle reste à l'orphelinat et joue avec les autres enfants.
Sur ses jambes, égratignures et bosses peinent à cicatriser. Les conditions d'hygiène sont mauvaises, l'orphelinat est pauvre et la mousson provoque des fièvres. La petite fille a pourtant des parents aimants qui l'attendent dans leur maison, entre Nîmes et Avignon.
Une incroyable rencontre Annick et Christian ont croisé son regard un beau matin d'août 2003. « Elle est venue vers nous avec des yeux très profonds et très tristes. C'était elle et c'est inexplicable », raconte Annick, 47 ans, encore médusée par cette incroyable rencontre. Voilà quatorze mois que cette maman souffre de savoir sa fille au Cambodge pour raisons administratives. Mal de ne pouvoir la choyer. Mal de devoir, quand son mari et elle peuvent se rendre dans son pays, trahir la promesse de la ramener avec eux. Ils hésitent même à se rendre à Phnom Penh le mois prochain pour l'anniversaire de leur fille : « Lui dire encore non, pas cette fois-ci, c'est inhumain. » Les contretemps administratifs n'existent pas pour une fillette de 4 ans. Sambath n'est pas seule : dans le réseau d'adoptants qu'Annick et Christian ont rejoint, une vingtaine d'enfants attendent eux aussi que le ministère des Affaires étrangères donne son feu vert. Toutes ces familles ont entamé leurs démarches il y a bien longtemps, avant le moratoire sur les adoptions internationales. Estimant que « l'adoption internationale au Cambodge n'offre pas les garanties suffisantes pour assurer la transparence et la régularité des adoptions », le gouvernement français a figé les demandes. Seuls les parents qui accomplissaient toutes les formalités avant le 31 juillet 2003 ont pu concrétiser leur désir d'adoption. Annick et Christian avaient besoin de trois semaines de plus. « Certains parents du réseau y sont arrivés le 2 août », sans succès. Malgré le soutien du groupe d'étude parlementaire sur l'adoption, ces familles se heurtent à un mur. « Emotionnellement, cette situation est très dure, murmure Annick. Pas question de se tourner vers un autre pays : notre enfant n'est pas sans visage, elle nous appelle papa et maman. On se demande comment on tient le coup. » La force n'est pas linéaire, encore moins pour des parents qui ont perdu une petite fille d'une leucémie. « Une partie de notre coeur est au Cambodge. Tout ce qu'on demande, c'est de la ramener en France. » Un dossier en souffrance.
Depuis août 2003, Christian et Annick sont les parents adoptifs de Sambath. Mais la petite fille vit toujours dans son orphelinat de Phnom Penh . (LP/FLORENT MALOT.)
Julie Cloris
Le Parisien , mardi 19 octobre 2004
Sujet: Au Cambodge aussi, ils attendent (adoption)