Course de buffles et corps à corps dans le village de Vihear

Traditions - Course de buffles et corps à corps dans le village de Vihear Suor

05-10-2005
Cambodge Soir - Apprêtés, choyés, décorés, les buffles étaient l'objet de toutes les attentions dans le village de Vihear Suor, lundi matin. Après avoir travaillé durement dans les rizières toute l'année, l'heure était enfin à la fête pour ces animaux vedettes d'une impressionnante course, à proximité de la pagode de ce village, situé à 45 kilomètres de la capitale, dans la province de Kandal.

A l'occasion de la fête des morts, la tradition veut que les paysans amènent leurs buffles à Vihear Suor pour les montrer aux génies de la pagode et leur apporter bonheur et santé.

Pour Chuop Pheng, qui bichonne deux grands buffles qu'il a achetés il y a trois ans, pas question de rater l'événement : “Si on ne les amène pas à la pagode chaque année, les buffles seront condamnés par les mauvais sorts des génies et ils tomberont malades. Or on veut que nos animaux soient en bonne santé, parce qu'ils travaillent pour nous”, explique l'agriculteur, qui pose des étuis sur les cornes de ses animaux.

San Sen, 50 ans, organise depuis quelques années cette compétition et s'inquiète de la faible participation des villageois. Selon lui, de nombreux habitants ont vendu leurs grands buffles au Viêt-nam, où une bête peut valoir de 500 à 600 dollars. Les buffles sont aussi de moins en moins utilisés au profit des véhicules. “Maintenant, il n'y a plus que des petits buffles qui participent à cette course, déplore San Sen. Les gens ont vendu les beaux mâles et ont gardé uniquement les femelles pour la reproduction. Or, les femelles ne peuvent pas participer à la compétition. Ce serait un déshonneur”.

Dans la rue qui mène vers la pagode, les buffles avancent en désordre. Petits et grands spécimens concourrent ensemble, montés par de jeunes hommes. Après quelques répétitions, certains buffles sont déjà essoufflés, d'autres ne veulent plus avancer, d'autres encore sont apeurés et partent dans n'importe quelle direction... Pour certains spectateurs fidèles de l’événement, la course n’est plus vraiment ce qu'elle était. Tenh Heng, 77 ans, suit cette compétition depuis qu'il est tout petit : “Les jeunes ne savent pas bien monter et diriger les buffles. Et dans la course il y a des buffles qui têtent encore leur mère!”, peste ce villageois, avant d'affirmer que les buffles les plus grands ont tous été tués sous le régime khmer rouge.

Qu'importe le désordre et même l'ordre : à la fin de la course, il n'y a ni perdant ni gagnant. Chaque propriétaire participant reçoit une enveloppe de 3 000 riels, que tous s'empressent d'empocher avant de participer à une autre compétition, cette fois entre hommes.

Sous un grand tamarinier, la foule forme un cercle pour admirer les combats traditionnels au corps à corps. Libre à chacun de participer, quelle que soit sa taille ou son poids : il suffit pour cela de lever la main. Pour gagner, il faut porter son adversaire sur les épaules ou le faire tomber à terre sur le dos, grâce à différentes prises. Et cette fois, contrairement à la course de buffle, on joue pour de l'argent.

Chheang Bopha
Source : Cambodge Soir