les insurgés du Sud musulman lancent une série de raids

En Thaïlande, les insurgés du Sud musulman lancent une série de raids
LE MONDE | 27.10.05 | 13h12 • Mis à jour le 27.10.05 | 13h13
BANGKOK de notre correspondant

Les insurgés du Sud musulman de la Thaïlande ont opéré, dans la soirée de mercredi 26 octobre, pas moins de deux douzaines de raids ­ une trentaine selon certaines informations ­ contre des postes de sécurité des autorités de Bangkok et autres embuscades dans les trois provinces troublées bordant la Malaisie, où l'état d'urgence vient d'être reconduit pour trois mois. Les attaques ont fait au moins six morts (quatre villageois et deux assaillants).

Elles se sont produites en l'espace de deux heures une fois la nuit tombée, et présentaient tous les dehors d'opérations coordonnées : des petits groupes de 3 à 5 hommes, circulant à moto et armés de fusils automatiques AK47, ont visé les militaires et gendarmes tenant des points de contrôle sur les routes des provinces de Pattani, Narathiwat et Yala, et les civils conversant avec eux.

Les agresseurs ont ramassé une quarantaine d'armes gouvernementales en s'enfuyant.

C'est la plus vaste opération des insurgés du Sud thaïlandais, que le gouvernement dit membres d'une nébuleuse islamiste, depuis les deux vagues d'attaques des 4 janvier et 18 avril 2004, qui ont marqué un soudain embrasement de violence dans cette région à population principalement malaise, pacifiée dans les années 1990.

Elle survient alors que de nombreuses personnalités politiques et religieuses émettent des doutes sur la méthode forte choisie par le premier ministre, Thaksin Shinawatra, pour tenter d'apaiser la région. Rien n'indique, font valoir ces critiques, que l'état d'urgence, qui permet notamment aux forces de sécurité de placer en détention des suspects pendant trente jours, ait dissuadé d'agir les auteurs d'attaques. Un total de 668 personnes, pour l'essentiel des civils, avaient trouvé la mort dans divers assauts terroristes en 2004, et le bilan pour 2005 s'élève déjà à 450 morts ­ soit un bilan général qui est passé à plus de 1 100 morts et un millier de blessés, selon le gouvernement.

Aucune réduction des violences n'a résulté des appels au calme lancés par les plus hautes autorités, dont la reine Sirikit, qui séjourne dans sa résidence de Narathiwat. La reine a préconisé, lundi, que les villageois vivant autour des temples bouddhistes menacés soient organisés en groupes d'autodéfense et entraînés au maniement des armes.

Les violences du Sud thaïlandais inquiètent des gouvernements voisins tels que celui de Singapour. Dans un éditorial relatant les vues des autorités de l'île-Etat, le quotidien Straits Times a relevé lundi que la situation menaçait de prendre "une tournure dangereuse" . "L'état d'urgence, en particulier, qui confère aux fonctionnaires une immunité contre les sanctions civiles, criminelles et disciplinaires, ne sert qu'à alimenter les craintes et la suspicion envers les autorités, ce que les rebelles exploitent. Le fait que nombre de fonctionnaires de la région aient peu d'égards pour les coutumes et sensibilités locales n'aide pas non plus" , ajoutait le quotidien.
Francis Deron
Article paru dans l'édition du 28.10.05