Des voisins devant la maison où 9 villageois ont été tués le 16 novembre à Bo-Ngo en Thaïlande [© AFP]
Thaïlande: 9 villageois tués et 9 blessés dans le Sud musulman
16/11/2005
Le conflit dans le Sud musulman en Thaïlande a connu mercredi une nouvelle escalade avec le massacre d'au moins neuf villageois d'une même famille, tués par balles dans leur sommeil par des rebelles présumés, ont indiqué les autorités.
NARATHIWAT (AFP) - L'attaque a également fait neuf blessés qui ont été hospitalisés, a précisé Pracha Tearat, le gouverneur de Narathiwat, une des trois provinces de l'extrême sud de la Thaïlande en proie à des violences séparatistes et religieuses depuis plus de 22 mois.
Il a attribué la tuerie à la perception que les victimes collaboraient avec les autorités de Bangkok. Au total, 18 personnes ont été tuées dans la région au cours de la semaine écoulée. L'attaque de mercredi est survenue peu avant l'aube. Les assaillants, en nombre indéterminé, ont utilisé des grenades et des armes automatiques pour prendre le contrôle de trois maisons dans le village de Bo-Ngo du district de Ra Ngae. Neuf personnes d'une même famille, dont un nourrisson, ont été tuées dans leur sommeil dans une maison, tandis que neuf blessés ont été recensés dans les deux autres habitations. "C'est l'oeuvre brutale des rebelles qui tuent tous ceux qui se rangent du côté du gouvernement", a dit le gouverneur.
Lundi, l'armée thaïlandaise avait annoncé qu'elle voulait former jusqu'à 20.000 villageois au maniement d'armes et aux techniques du renseignement pour renforcer sa position face aux séparatistes qui la harcèlent de plus en plus dans le Sud. Les forces de sécurité disposent déjà d'un réseau de volontaires impliqués dans la défense. Après l'attaque de mercredi, une cinquantaine de villageois ont bouclé le secteur et ont barré la route aux journalistes et aux forces de sécurité, ont indiqué des témoins. Un journaliste et un photographe de l'AFP, ainsi qu'un reporter de la télévision, ont été brièvement détenus par des villageois en colère.
Depuis janvier 2004, les violences imputées aux actions rebelles et aux opérations des forces de sécurité ont fait plus de 1.000 morts dans les provinces de Narathiwat, Yala et Pattani, près de la Malaisie, où la population est très majoritairement musulmane, contrairement au reste de la Thaïlande, largement bouddhiste. Des insurrections ont éclaté périodiquement dans la région du Sud - autrefois royaume indépendant de Pattani - rattachée à la Thaïlande, alors le Siam, au début du XXe siècle, à la suite d'un accord avec les Britanniques.
La plupart des musulmans de l'extrême sud de la Thaïlande sont des villageois de culture malaise qui parlent leur propre dialecte, le Yawi, également compris en Malaisie et en Indonésie. Un mouvement séparatiste avait été actif dans les années 1970 dans la région mais s'était ensuite quasiment éteint.
Lorsque les troubles ont repris il y a près de deux ans, le conflit a pris une dimension religieuse, alimentée, selon les autorités, par des chefs de prière et des enseignants qui exploitent un sentiment de persécution répandu parmi les musulmans du Sud. Les autorités attribuent une partie des violences au crime organisé, notamment aux trafiquants de drogue, particulièrement actifs dans cette zone frontalière, ainsi qu'à des politiciens corrompus. Des analystes estiment que le Premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra a commis de nombreuses erreurs dans la gestion du conflit, changeant sans cesse de stratégie mais privilégiant toujours jusqu'ici la force.
Le 7 novembre, le ministre thaïlandais des Affaires étrangères Kantathi Suphamongkhon avait rejeté toute forme d'autonomie pour les trois provinces du Sud, qualifiant le problème d'"interne".
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