dimanche 26 février 2006, 17h51
Thaïlande: plus de 50.000 manifestants à Bangkok contre le Premier ministre
BANGKOK (AFP) - L'opposition parlementaire en Thaïlande n'a pas exclu de boycotter les élections anticipées du 2 avril, alors qu'une nouvelle manifestation contre le Premier ministre Thaksin Shinawatra a rassemblé des dizaines de milliers de personnes dimanche à Bangkok.
Selon la police, au moins 50.000 personnes ont participé à ce rassemblement, le troisième en trois semaines, pour demander le départ définitif de M. Thaksin de la scène politique thaïlandaise.
Sur la place Sanam Luang, près du palais royal, de nombreuses banderoles proclamaient "Thaksin, fous le camp", des caricatures le comparaient à Hitler et des T-shirts le qualifiaient de "dictateur capitaliste".
Certains manifestants piétinaient des images du Premier ministre, élu en 2001, réélu triomphalement en 2005 et qui est dans l'oeil du cyclone depuis la vente par sa famille pour 1,9 milliard de dollars de toutes les parts qu'elle détenait dans Shin Corp, géant des télécommunications qu'il avait fondé avant d'entrer en politique.
L'annonce vendredi dernier par M. Thaksin, 56 ans, de la dissolution de la Chambre basse du Parlement et la convocation d'élections anticipées trois ans plus tôt que prévu n'ont pas désamorcé la crise avec, d'un côté, des manifestants de la société civile qui continuent de se mobiliser dans la rue, de l'autre, l'opposition parlementaire qui envisage de boycotter le scrutin du 2 avril.
"La tension politique actuelle est très sérieuse", a déclaré Abhisit Vejjajiva, 41 ans, leader des démocrates, principal parti de l'opposition parlementaire, qui poursuit d'intenses consultations depuis samedi avec deux autres formations.
"Nous n'avons pas exclu de boycotter les élections", a-t-il dit.
Selon des commentateurs politiques, le parti du Premier ministre, le Thai Rak Thai (Les Thaïlandais aiment les Thaïlandais), qui contrôlait 375 des 500 sièges dans la Chambre dissoute, a toutes les chances de remporter les élections.
C'est pour cette raison que M. Thaksin, plus populaire dans les campagnes qu'à Bangkok ces derniers mois, a préféré dissoudre pour tenter de regagner une légitimité mise à mal par l'affaire Shin Corp, estiment ces analystes.
Dès samedi matin, les organisateurs des manifestations hebdomadaires, regroupés au sein de l'Alliance du Peuple pour la Démocratie, avaient appelé la population thaïlandaise à rejeter les élections organisées par M. Thaksin qui "a dissous le Parlement uniquement pour dissimuler ses fautes et ses malversations".
Cette alliance est un regroupement de diverses organisations et personnalités issues de la société civile et n'ayant qu'un point en commun: leur opposition absolue à M. Thaksin.
De leur côté, les trois partis de l'opposition parlementaire, qui se sont réunis samedi et dimanche, ont demandé à rencontrer M. Thaksin pour qu'il s'engage par écrit à entreprendre des réformes constitutionnelles. Ils souhaitent également l'installation d'un Premier ministre par intérim nommé par le roi.
Deux manifestations les 4 et 11 février à Bangkok avaient rassemblé respectivement 50.000 et 20.000 personnes.
Dimanche soir, Chamlong Srimuang, leader d'opinion, lié à une secte bouddhiste intégriste, qui avait contribué à la montée en puissance de M. Thaksin dans les années 1990 et qui s'est retourné aujourd'hui contre lui, a lancé à la foule: "Si nous sommes unis et patients, nous vaincrons".
De son côté, Sondhi Limthongkul, patron de presse qui mène une campagne féroce contre M. Thaksin depuis l'automne dernier, a surenchéri: "Thaksin joue le brave mais ses jambes tremblent".