Le Premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra, le 27 février 2006 à Bangkok
lundi 27 février 2006, 14h46
La crise s'aggrave en Thaïlande: l'opposition boycotte les élections
BANGKOK (AFP) - La crise politique s'est aggravée lundi en Thaïlande où les partis d'opposition ont annoncé qu'ils boycotteraient les élections anticipées convoquées pour le 2 avril par le Premier ministre Thaksin Shinawatra.
Cette annonce soudaine est intervenue à l'issue d'une journée d'intenses consultations au cours de laquelle M. Thaksin et l'opposition parlementaire avaient pourtant donné l'impression de rechercher un compromis sur de futures réformes constitutionnelles, ce qui avait permis à la bourse de Bangkok de regagner plus de 1,5%.
"En raison de la distorsion du sujet (sur les réformes constitutionnelles), les trois partis (de l'opposition) ont décidé de ne pas rencontrer M. Thaksin et ne présenteront aucun candidat aux élections", a déclaré Abhisit Vejjajiva, chef du Parti démocrate, principale formation de l'opposition.
M. Abhisit, 41 ans, a lancé la bombe du boycott à l'issue d'une réunion avec les dirigeants de deux autres formations de l'opposition (Chart Thai et Mahachon).
Les trois partis avaient donné jusqu'à lundi à M. Thaksin pour s'engager par écrit à entreprendre des réformes constitutionnelles visant notamment à donner davantage de pouvoirs au peuple.
Homme d'affaires reconverti dans la politique, le Premier ministre est depuis longtemps accusé par ses détracteurs de s'être accaparé tous les pouvoirs grâce à l'argent.
Un peu plus tôt, M. Thaksin avait promis d'inclure des réformes constitutionnelles dans sa plate-forme électorale et avait proposé d'établir une commission "neutre" de sages mais il avait catégoriquement refusé de signer le moindre document avec l'opposition.
M. Thaksin, 56 ans, élu en 2001 et réélu triomphalement en 2005, est dans l'oeil du cyclone depuis le 23 janvier, date à laquelle sa famille a vendu pour 1,9 milliard de dollars toutes les parts qu'elle détenait dans Shin Corp, géant des télécommunications qu'il avait fondé avant d'entrer en politique. C'est Temasek, holding d'investissement du gouvernement singapourien, qui a acheté.
Trois manifestations depuis le début du mois à Bangkok ont rassemblé des dizaines de milliers de personnes qui ont réclamé sa démission. Plus de 50.000 manifestants ont participé, selon la police, à un rassemblement dimanche soir sur une place proche du palais royal où 5.000 personnes se sont retrouvées encore lundi soir.
Plutôt que de démissionner, le Premier ministre a dissous vendredi dernier la Chambre basse du Parlement et a convoqué des élections anticipées.
Mais cette décision n'a pas désamorcé la crise qui prend une nouvelle dimension avec la décision sans précédent de l'opposition parlementaire de boycotter le scrutin du 2 avril, estiment des analystes.
"J'ai fait ce que j'ai pu", a dit M. Thaksin après l'annonce de boycott.
Selon la plupart des commentateurs politiques, le parti de M. Thaksin, le Thai Rak Thai (Les Thaïlandais aiment les Thaïlandais), qui contrôlait 375 des 500 sièges dans la Chambre dissoute, a toutes les chances de remporter aisément les élections.
M. Thaksin a joui jusqu'ici d'une forte popularité dans les campagnes, la Thaïlande enregistre une croissance annuelle de l'ordre de 5% et connait le plein-emploi.
Mais la décision des Démocrates a considérablement fait monter les enchères dans ce pays de 63 millions d'habitants, monarchie constitutionnelle où l'armée a souvent pris le pouvoir jusqu'au début des années 1990.
Des diplomates occidentaux redoutent que les manifestations de rue qui se sont multipliées depuis un mois ne dégénèrent.