L'Express du 08/11/2004
La Thaïlande sous haute tension
De notre correspondant Thierry Falise
La mort de manifestants musulmans après leur arrestation par les forces de l'ordre accroît les risques d'escalade dans le sud du pays
Le sud de la Thaïlande va-t-il devenir un nouveau foyer pour le radicalisme islamiste? La question, qui semblait hors de propos il y a quelques mois à peine, a été dramatiquement relancée après la mort, le 25 octobre, de près de 90 manifestants, dont 78 périrent étouffés dans les bennes des camions où ils avaient été entassés par des soldats. Depuis le début de l'année, une série d'actions violentes se sont produites dans les régions du Sud, où vivent la plupart des musulmans du pays - 8% de la population - faisant des centaines de victimes. Le gouvernement, après avoir affirmé que les auteurs de ces troubles étaient des «bandits» ou des «trafiquants de drogue», dénonce aujourd'hui les milieux séparatistes musulmans. Tandis qu'une partie de la presse, contrôlée par le pouvoir, y voit la main d'organisations terroristes islamistes étrangères. Cette dernière hypothèse est peu vraisemblable. Les islamistes - notamment ceux de la Jamaa Islamiya indonésienne - qui utilisent la Thaïlande comme base arrière, ou pour se procurer des armes, n'ont aucun intérêt à y faire monter la tension. En revanche, il pourrait s'agir de règlements de comptes entre les mafias qui contrôlent l'économie de la région. Et il n'est pas exclu que certaines exactions soient le fait de l'armée, frustrée d'avoir perdu une grande partie de son influence depuis qu'en 2002 le Premier ministre thaï, Thaksin Shinawatra, a conféré davantage de pouvoirs à la police.
Ce dernier a, en tout cas, choisi de répondre par la force. Mais l'accumulation des dérapages - la tragédie du 25 octobre fait suite à la mort, en avril dernier, de 32 hommes lors de l'assaut d'une mosquée - risque de radicaliser une population qui a depuis toujours le sentiment d'être ostracisée par Bangkok.