lundi 8 mai 2006, 16h31
Retour à la case départ en Thaïlande: nouvelles élections annoncées
BANGKOK (AFP) - La Cour constitutionnelle thaïlandaise a invalidé lundi les élections du 2 avril convoquées à la hâte par le Premier ministre sortant Thaksin Shinawatra et a ordonné la tenue d'un nouveau scrutin susceptible de mettre fin à la crise qui secoue le pays depuis trois mois.
L'opposition, qui avait boycotté les législatives anticipées, a indiqué qu'elle participerait au nouveau scrutin qui pourrait être organisé d'ici 60 jours.
Huit juges de la Cour constitutionnelle (contre six) ont estimé que les élections du 2 avril étaient "inconstitutionnelles", a précisé le porte-parole de la cour, Paiboon Varahapaitoon.
Par ailleurs, en raison des irrégularités, neuf juges (contre cinq) ont voté en faveur de l'invalidation et de l'organisation d'un nouveau scrutin.
La Cour constitutionnelle et la Cour suprême administrative avaient été saisies d'une série de plaintes affirmant que la date du 2 avril avait été choisie injustement, que le parti de M. Thaksin avait financé les campagnes de petites formations totalement inconnues, que les isoloirs ne garantissaient pas le secret du vote et que la Commission électorale avait certifié les résultats de manière inadéquate.
La Cour constitutionnelle a jugé lundi que la date du 2 avril était effectivement "inappropriée et injuste, allant à l'encontre du devoir de la Commission électorale d'organiser des élections libres et impartiales", a déclaré M. Paiboon, ajoutant que "la disposition des bureaux de vote a également violé l'obligation du secret".
Dès l'annonce de l'invalidation, certaines voix se sont élevées pour réclamer la démission de la Commission électorale.
C'est M. Thaksin, riche homme d'affaires de 56 ans, élu en 2001 et réélu triomphalement en 2005, qui avait provoqué les élections après sa brusque décision le 24 février de dissoudre la chambre basse du Parlement.
Pour lui, il s'agissait d'aller vite et de désamorcer une vive controverse qui avait éclaté après la vente pour 1,9 milliard de dollars par sa famille de toutes les parts qu'elle détenait dans un géant des télécoms qu'il avait fondé avant de se lancer dans la politique.
Le scrutin du mois dernier, totalement boycotté par l'opposition, avait été remporté par le parti de M. Thaksin (56%) mais celui-ci avait été confronté à un déluge de bulletins blancs, en particulier à Bangkok.
Le Premier ministre, qui avait été la cible de manifestations quasi-quotidiennes en février et mars, avait annoncé qu'il se retirait temporairement, 48 heures après les élections.
En dépit de cette annonce, le système démocratique thaïlandais était resté grippé et le Parlement n'avait pu être convoqué, faute de quorum.
Finalement, le 25 avril, le roi Bhumibol Adulyadej, 78 ans, qui jouit d'un profond respect en Thaïlande, était sorti de sa réserve. Il avait qualifié les élections de "non démocratiques", rejeté les appels de l'opposition pour qu'il nomme un Premier ministre et exigé que les juges prennent leurs responsabilités.
Selon des analystes, la décision de la Cour constitutionnelle retire un obstacle important en vue d'un retour à la normale en Thaïlande. Reste à savoir si M. Thaksin restera en retrait ou s'il cherchera à accélérer son "come-back", au risque de relancer les manifestations contre lui.
"Le verdict (de lundi) est une victoire pour les gens qui ne se sont pas présentés aux élections d'avril", a estimé Somsak Thepsuthin, chef adjoint du Thai Rak Thai, la formation dirigée par M. Thaksin.
Le Parti démocrate, principale formation de l'opposition, a pour sa part "salué" la décision de la cour. "Nous allons certainement trouver des candidats pour les nouvelles élections", a dit son porte-parole, Ong-art Klampaiboon.