Thaksin crie au loup mais les Thaïs n’y croient plus

(Photo LPJ Bangkok)

POLITIQUE - Thaksin crie au loup mais les Thaïs n’y croient plus

Les poseurs de bombes à Bangkok sont décidément bien maladroits ! Après la série d’attentats manqués au printemps dernier, une nouvelle tentative, dirigée contre le Premier ministre, aurait été déjouée jeudi. De fait, l’opinion reste perplexe quant à la thèse du complot avancée par le gouvernement



Le Premier ministre Thaksin Shinawatra aurait échappé jeudi, selon les autorités, à un attentat à la voiture piégée. Mais l’opinion n’est pas vraiment convaincue. "La belle affaire", s’écriait ces jours-ci l’opposition, soutenue par plusieurs observateurs relayés par la presse, tandis que plus de la moitié des Bangkokais y voit une mise en scène.
Détourner l’attention et faire le ménage
Pour l’ancien chef du Conseil National de Sécurité, Prasong Soonsiri, cité par le Bangkok Post, il s’agit d’une machination du gouvernement pour détourner l’attention des « affaires », tout en se donnant les moyens légaux de prévenir toute manifestation à quelques semaines des élections.
Il est vrai que le dit attentat arrive alors que la côte de popularité de Thaksin est en baisse et que, la veille, le ministère du Commerce ouvrait une nouvelle enquête concernant la vente en janvier de Shin Corp à une société singapourienne. Et c’est précisément l’affaire Shin Corp qui avait déclenché le soulèvement populaire contre le premier ministre en février à l’origine de la crise politique que traverse le pays depuis.
Par ailleurs, bien que les circonstances de l’attentat restent encore à éclaircir, il n’a fallu que quelques heures jeudi à Thaksin pour virer le directeur adjoint des opérations de sécurité intérieure, Pallop Pinmanee, un proche de Chamlong Srimuang, leader emblématique des manifestations du printemps dernier. Le motif : l'officier militaire arrêté au volant du véhicule contenant les explosifs avait été un temps son chauffeur…
Alimenter l’angoisse du coup d’état
Aussi, dès le lendemain, comme si le climat ces jours-ci n’était pas déjà assez tendu, une simulation d’attentat à la voiture piégée était organisée… devant le siège du gouvernement, servant aux medias les images angoissantes d’une tragédie nationale qui "aurait pu, et risque encore d’arriver".
Mais apaiser les esprits n’est manifestement pas l’objectif de Thaksin, bien au contraire. Le 29 juin déjà, il avait déclaré qu’une "personnalité charismatique aux pouvoirs extra-constitutionnels" complotait contre lui, laissant entendre, mais sans jamais vraiment le dire, qu’il s’agissait du Conseil privé du roi en personne, le général Prem Tinsulanonda.
Cela dit, Thaksin n’est pas le seul à savoir agiter le spectre du complot pour chercher à manipuler une opinion encore hantée par des décennies de coups d’état. Au printemps, alors que la crise politique battait son plein, on avait assisté à une série d’attentats sans coupables ni victimes qui avaient néanmoins fait la une des journaux thaïs. Membres du Thai Rak Thai, ministère de l’Intérieur, Conseil privé du roi, siège du Parti Démocrate, chacun des principaux acteurs avait alors eu son lot d’attaques « ratées » mais pour le moins médiatiques.
Pierre Queffélec (www.lepetitjournal.com Bangkok) Mardi 29 août 2006




Source : http://www.lepetitjournal.com/bangkok.html