Quand Prapass Sakuntanak apparaît sur les écrans de télévision de Thaïlande, la population sait immédiatement qu'un coup d'Etat vient de se produire. Le général, âgé de 70 ans, a en effet annoncé tous les putschs militaires depuis les années 1980.
Lorsque son visage grave est revenu le 19 septembre interrompre les programmes de la cinquième chaîne contrôlée par l'armée, les téléspectateurs ont deviné ce qu'il allait dire avant même que ses lèvres ne bougent.
Il reconnaît que sa célébrité, édifiée à lire des communiqués austères et solennels sur fond de musique patriotique, explique pourquoi on le regarde parfois de travers. "Ils me reconnaissent en entendant ma voix", ironise le général Prapass.
Aujourd'hui, l'officier peine à se rappeler le premier putsch que ses supérieurs hiérarchiques lui avaient ordonné d'annoncer à la population. "Quand ils me l'ont demandé, je ne pouvais dire non".
Il a connu une traversée du désert de 1991 à 2006, période de démocratie en Thaïlande au cours de laquelle il a été appelé de façon épisodique à lire des communiqués du Palais royal.
Depuis dix jours, l'armée a repris la main sur les médias et annoncé des mesures autoritaires grâce à des textes lus à la télévision par de jeunes présentateurs, selon un rituel très sérieux.
M. Prapass a repris le poste de "présentateur de coup d'Etat" à Akom Mokaranond. Celui-ci avait annoncé son premier putsch en 1957, pour dire que le maréchal de l'armée Sarit Thanarat avait pris le pouvoir par la force.
M. Akom, qui avait commencé sa carrière en jouant des seconds rôles de "méchant" à la télévision, a par la suite annoncé sept autres pronunciamientos.
A l'époque, certains coups d'Etat n'étaient pas aussi consensuels que celui du 19 septembre qui a bénéficié du soutien apparent de la population de Bangkok.
"Les gens qui s'opposaient au groupe au nom duquel je lisais les communiqués me détestaient. Ils ne comprenaient pas que je faisais juste mon travail", se souvient M. Akom.
"Plus je lisais, plus je me faisais d'ennemis", raconte-t-il. Sa famille a reçu plus d'une fois des menaces de mort.
Sa dernière annonce importante remonte à 1985, quand il a alerté le pays sur le putsch manqué contre le Premier ministre d'alors, Prem Tinsulanonda, un officier.
Ironie de l'histoire, le général Prem, actuel premier conseiller du vieux roi Bhumibol Adulyadej, est suspecté d'être derrière le dernier putsch qui a renversé le milliardaire Thaksin Shinawatra, élu Premier ministre en 2001.
Alors que les rigides officiers Akom et Prapass s'approchaient de l'âge de la retraite, l'armée a décidé de recruter une nouvelle génération de présentateurs, plus jeunes et plus télégéniques.
Thawinan Khongkran, Miss Asie 1987, a été mise à contribution il y a 15 ans pour annoncer le renversement du gouvernement du Premier ministre Chatichai Choonhavan.
Et Manat Tungsuk, un beau jeune homme, a annoncé la semaine dernière son premier communiqué post-coup d'Etat, devenant instantanément célèbre.
Thanaporn PROMYAMYAI
Journaliste
Sujet: Le général Prapass, "Monsieur putsch" de la télévi