BANGKOK (AFP) - Quelque 120 millions de colombes en papier ont été lâchées depuis des avions dimanche sur le sud de la Thaïlande en signe de paix avec la minorité musulmane après des violences qui ont fait plus de 500 morts depuis le début de l'année.
La manifestation organisée à l'occasion du 77è anniversaire du roi Bhumibol Adulyadej a frappé les esprits, même si certains ont estimé qu'elle servait surtout de palliatif à de véritables efforts du gouvernement pour trouver une solution au séparatisme et aux relations avec la minorité musulmane.
Le lâcher des pliages en papier par une cinquantaine d'avions, une initiative du Premier ministre Thaksin Shinawatra, a été accompagné de prières pour montrer l'unité des bouddhistes majoritaires et des musulmans et la condamnation des violences par la population.
L'idée a suscité l'enthousiasme de nombreux Thaïlandais qui se sont mis à fabriquer les origami. Le but initial de 62 millions d'oiseaux symboliques a été largement dépassé alors que des colombes étaient également envoyées du Japon, des Etats-Unis et de Chine.
Les avions civils et militaires ont décollé tout au long de la journée avec 50.000 pliages à chaque vol pour des lâchers à basse altitude sur les provinces du sud, Yala, Narathiwat, Pattani et Songkhla.
Un groupe séparatiste interdit qui a prôné des assassinats dans la région a toutefois condamné l'initiative.
"Même si vous utilisez des billets de 500 bahts (13 dollars) pour faire 100 millions d'oiseaux en papiers et que vous les lâchez, cela ne suffira pas à faire cesser les souffrances des opprimés", a dit le Front uni de libération Pattani (PULO) sur son site web.
Des associations et dirigeants religieux du Sud --où la population est à 80% de confession musulmane-- ont assimilé cette initiative à un coup médiatique de la part d'un gouvernement incapable de trouver une solution politique à la crise.
Signe qu'il faudra plus qu'un geste symbolique, les assassinats se sont poursuivis ce week-end dans le sud.
Un procureur à la retraite de 62 ans, Nat Wipaseth, a été tué dimanche par deux hommes dans la province de Pattani, selon la presse.
Samedi soir, un policier de 24 ans, Sutharak Oup-la, avait été tué lors d'une patrouille dans la province voisine de Narathiwat, où la police a désamorcé une bombe juste avant l'opération colombes, a déclaré la police.
Un dirigeant musulman, Niran Panthrakit, a estimé que le lâcher de colombes pouvait servir la cause de la paix mais ne suffirait pas à stopper les tueries.
"C'est une question différente. Il s'agit de remonter le moral des gens, pas de faire cesser la violence", a-t-il dit.
M. Thaksin a reconnu les limites de son initiative mais a souhaité qu'elle rassérène une communauté traumatisée par les assassinats.
Son gouvernement est accusé par les défenseurs des droits de l'Homme de n'employer, dans le Sud, que la ressource de la force brutale.
Vendredi, M. Thaksin avait annoncé qu'il renonçait, au moins provisoirement, à imposer des législations d'exception dans le style de celles de Singapour ou de Malaisie pour détenir des suspects indéfiniment sans procès.
Un regain de violence avait été enregistré en octobre avec la répression d'une manifestation dans la province de Narathiwat où 87 manifestants sont morts entre les mains des forces de sécurité.