Une chanson sur un bonze quittant le froc par amour interdite de diffusion sur les ondes
Alors que Quitter le froc pour l’amour et s’en mordre les doigts, interprétée par l’un des chanteurs populaires du moment, le jeune Heng Bunleap, est déjà un tube, le ministère de l’Information vient de décider son interdiction sur les ondes. Jugé irrespectueux à l’égard de la religion d’Etat, ce titre n’a dorénavant même plus sa place dans les concerts. Le récit de ce jeune bonze qui se défroque par amour pour une belle et réalise sa méprise lorsque la dulcinée l’abandonne brusquement peu après, décidant alors de revêtir à nouveau la robe safran, déplaît au ministre Khieu Kanharith, qui a motivé cette censure le 16 novembre dernier : "Le contenu de cette chanson porte atteinte à l’honneur des bonzes qui consacrent leur corps et leur cœur à la religion et épousent les préceptes bouddhiques". A l’image de la pochette de l’album, certaines scènes suggestives de la vidéo seraient trop osées pour les mœurs locales.
Les directeurs généraux des chaînes de télévision Apsara et TV3, qui ont à plusieurs reprises diffusé cette chanson, se sont aussitôt rangés à l’avis du ministre de l’Information, acceptant de bannir le refrain de leurs programmations. "Avant même cette décision, j’avais ordonné aux responsables d’émissions d’interdire tout ce qui d’une façon ou l’autre peut discréditer notre culture, notre religion ou nos traditions. Mais je reconnais que le mot d’ordre n’est pas toujours bien suivi. Parfois, il est trop tard pour que j’intervienne mais je serai encore plus vigilant!", promet Sok Eisan, directeur général de la chaîne Apsara.
L’auteur de la bluette controversée, l’écrivain Fay Sam Ang, se défend d’avoir voulu nuire au bouddhisme. "Je ne veux pas m’opposer à la décision du ministère mais je souhaite préciser auprès de ceux qui se méprennent sur mes intentions qu’elles n’ont jamais été de dévaloriser la religion dont je suis un pratiquant. J’ai seulement voulu montrer une réalité sociale. Plusieurs personnes m’ont rapporté l’histoire de ce bonze, qui m’avait alors scandalisé. C’est pourquoi j’avais eu l’idée de la mettre en chanson. Et qu’on ne se leurre pas, la presse relate assez souvent les écarts de comportement de bonzes, l’un surpris après avoir eu des rapports sexuels avec la femme d’un autre, un autre accusé d’actes de pédophilie. Cette chanson se veut plus une histoire de morale visant à éduquer les bonzes peu respectueux des principes bouddhiques. Son message, contenu dans la dernière scène du clip vidéo qui présente le bonze rongé par le remords d’avoir agi avec tant de frivolité, est de rappeler aux âmes égarées que le bouddhisme est la voie de la sagesse. Si le ministère refuse que l’on décrive des réalités, que l’on me prévienne, je les tairai!"
Kong Socheat, à la tête de SSB, la société productrice du VCD, n’est pas pour autant inquiet des répercussions de cette décision. "Je viens encore de recevoir une commande de 3 000 disques de l’étranger. Si l’Information veut que nous arrêtions de diffuser cette chanson dans les médias, nous nous exécuterons. Mais notre produit avait pourtant obtenu l’accord du ministère de la Culture en septembre dernier...", s’étonne-t-il. Un argument qui pourrait jouer en faveur de la compagnie selon Khim Sarith, secrétaire général à la Culture. "Si mon ministère leur a réellement donné le feu vert, SSB peut alors porter plainte contre cette censure d’autant plus que toute production artistique doit être visée conjointement par les deux ministères." Ung Chansophea
Cambodge Soir du 22/12/2004
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