L'Asie du sud plongée dans le chaos --par Philip Ganguly--
AP | 27.12.04 | 19:37
COLOMBO, Sri Lanka (AP) -- Plus de 23.000 morts, des milliers de disparus, des millions de sans-abri, des villes et villages détruits, coupés du reste du monde... Au lendemain du séisme et des raz-de-marée qui ont frappé de l'Asie du sud jusqu'à la corne de l'Afrique, le bilan humain et matériel s'alourdissait d'heure en heure lundi, alors que s'organisaient les secours.
Des neuf pays qui ont été frappés, le Sri Lanka est le plus touché, avec 12.000 décès, devant l'Inde (6.000), l'Indonésie (4.730) et la Thaïlande (840), selon les calculs de la Croix-Rouge, qui avance un bilan global, sans doute provisoire, de 23.700 morts. On dénombrait aussi 52 morts en Malaisie, 43 aux Maldives, 12 en Birmanie, trois aux Seychelles. Et plusieurs centaines en Somalie, à l'autre bout de l'océan Indien.
Le tremblement de terre de magnitude 9, dont l'épicentre était localisé au large de l'île indonésienne de Sumatra, est le plus violent qu'ait connu la planète depuis celui de 1964 en Alaska, il y a 40 ans, et le quatrième plus important en un siècle. Il a soulevé le plancher de l'océan et ébranlé la masse d'eau, provoquant des vagues qui se sont déplacées à 800km/h, franchissant des milliers de kilomètres.
Dans ces pays sous le choc lundi, on se hâtait cependant d'enterrer ou incinérer les morts pour s'occuper des blessés, des sans-abri et tenter de prévenir les épidémies. «Il y aura un temps pour les larmes, mais plus tard. Maintenant, la priorité, c'est d'abriter les rescapés», expliquait Akilan, pêcheur indien de 28 ans, dont deux neveux sont morts dans les raz-de-marée.
En Indonésie, où le bilan serait de 5 à 10.000 morts, selon les autorités, les villages les plus proches de l'épicentre ont été inondés en quelques minutes. Au-delà, les ondes se sont propagées, gagnant force et vitesse jusqu'à ce qu'elles atteignent la terre ferme. En deux heures et demie, les murs d'eau avaient parcouru 1.600km.
«Où sont mes enfants? Où sont-ils? J'ai tout perdu!», pleurait Absah, 41 ans, à la recherche de ses 11 enfants lundi à Banda Aceh, à la pointe nord de Sumatra. Dans la ville privée d'électricité et de téléphone, les habitants couraient les hôpitaux à la recherche de leurs proches ou se réfugiaient par milliers dans les mosquées et écoles encore debout. Des cadavres en décomposition jonchaient les rues parmi les épaves de voitures et les ruines.
«Nous essayons d'enterrer correctement les morts mais il y en a tellement! Nous craignons la propagation rapide du choléra et de la dysenterie», expliquait le Dr Indrawadi Tamin, de l'agence nationale des catastrophes naturelles. «Nous allons manquer de médicaments», s'inquiétait son collègue Tambah Taibsyah. Les 15.000 soldats dépêchés à la recherche des disparus trouvaient surtout des cadavres et de nombreux villages et petites îles restaient hors d'atteinte. Aux moins un million de Sri-lankais et autant d'Indonésiens se retrouvent sans toit.
Parmi les victimes figurent de nombreux touristes, l'Asie du Sud étant une destination très prisée pendant l'hiver occidental. Leurs gouvernements, mobilisés, cherchaient lundi à établir des bilans exacts des victimes étrangères et à rapatrier leurs ressortissants.
En Thaïlande, les autorités évoquaient des centaines de morts et des milliers de blessés et disparus, toutes nationalités confondues. La France faisait état de trois morts et six disparus, la Suisse cherchait à localiser un millier de ses ressortissants, dont quelques-uns probablement décédés en Thaïlande; la Belgique déplorait deux morts. De leur côté, les voyagistes annulaient nombre de départs à destination de l'Asie, notamment pour les Maldives et les zones frappées par la tragédie au Sri Lanka, en Thaïlande, en Indonésie et en Inde.
En Thaïlande, des dizaines de cadavres encore en maillot de bain étaient alignés sur les plages, des navires de guerre faisaient route vers les îles touristiques pour récupérer des survivants; en Inde, des hélicoptères acheminaient des médicaments; et des villageois indonésiens cherchaient désespérément des terres sèches pour enterrer leurs morts.
Les autorités indonésiennes et thaïlandaises reconnaissent que les alertes qui auraient pu sauver des vies ont été données trop tard, pas assez énergiquement, ou pas du tout. Mais les gouvernements affirment qu'ils ne pouvaient pas prévoir l'ampleur de la catastrophe en l'absence d'un système international de repérage des tsunamis dans l'océan Indien, comme cela existe pour le Pacifique, et compte tenu de ce que coûterait sa mise en place.
Et la planète se mobilise pour essayer de venir en aide à ces régions, d'autant plus lourdement frappées qu'elles sont plus pauvres, ou plus isolées. Des secours envoyés par les Nations unies, de nombreux gouvernements -France, Etats-Unis...- et des agences humanitaires ont ainsi pris le chemin des zones sinistrées alors que des fonds étaient également promis, notamment par l'Union européenne et la Banque mondiale. AP