Près de 800 morts sur la plage de Khao Lak, en Thaïlande
Par Darren Schüttler
KHAO LAK (Thaïlande) (Reuters) - Sur des kilomètres de plage, au nord de l'île thaïlandaise de Phuket, les hôtels dévastés commencent à rendre leurs cadavres gonflés, mutilés, méconnaissables.
Les sauveteurs avaient retrouvé mardi 770 corps sur la seule plage de Khao Lak, à une cinquantaine de kilomètres au nord de Phuket. Un bilan qui, selon eux, pourrait dépasser le millier, lorsque les 5.000 chambres des dizaines d'hôtels construits sur les bords de la mer d'Andaman auront été fouillées.
La plage de Khao Lak, dans la province de Phang Nga, est probablement la zone de Thaïlande la plus gravement touchée par les raz-de-marée de dimanche, a précisé à Reuters un porte-parole des services de secours dans la région.
Au total, pour la Thaïlande, le bilan provisoire s'établit à 1.516 morts et 1.400 disparus, pour beaucoup des Thaïlandais qui vivaient du tourisme sur les côtes méridionales du pays.
Le Premier ministre Thaksin Shinawatra a décrété un deuil national de trois jours.
"Nous pensons que le bilan dépassera plusieurs milliers", a déclaré à Reuters Television le chef de la diplomatie thaïlandaise, Surakiart Sathirathai, qui s'est rendu à Phuket.
Le vice-ministre de l'Intérieur Sutham Saengpratoom, qui a survolé le secteur lundi en hélicoptère, a estimé avoir vu plus d'un millier de cadavres à Khao Lak.
Selon l'un des responsables des secours, Chailert Piyorattanachote, le bilan pour la province de Phang Nga, où est situé Khao Lak, pourrait à lui seul dépasser 1.500 morts.
"Nous n'avons pas de machines lourdes (pour déblayer) et nous mobilisons du matériel dans les provinces voisines", a-t-il raconté. "Les équipes travaillent en retenant leur respiration, utilisant des haches ou des pelles, parfois même à mains nues."
"Nous n'avons pas assez de cercueils, et ceux que nous avons sont trop petits pour les corps gonflés" par l'eau, a-t-il ajouté.
La plage de Khao Lak comptait notamment un hôtel Sofitel géré par le groupe hôtelier français Accor.
Mardi, Accor se disait toujours sans nouvelle de plusieurs centaines de personnes, clients et employés, du Sofitel de Khao Lak.
Le groupe, qui a envoyé dimanche une cinquantaine de ses collaborateurs sur place, a indiqué avoir retrouvé vivants 140 des quelque 350 touristes qui étaient logés dans l'établissement. L'hôtel comptait aussi 250 employés qui se trouvaient sur place au moment du raz-de-marée.
Selon le président du directoire d'Accor, Jean-Marc Espalioux, interrogé sur France Info, "une centaine de Français, beaucoup d'Allemands, des gens de Hong Kong, des Russes" étaient enregistrés dimanche au Sofitel de Khao Lak.
GIGANTESQUE PONT AÉRIEN À PHUKET
Il a assuré qu'une quinzaine de ces Français avaient déjà été conduits à Bangkok.
Chargé de coordonner les secours au Sofitel, le colonel Becha Kingwongsa a raconté que ses hommes en avaient extrait trente cadavres, parmi lesquels ceux de plusieurs enfants. Il a estimé qu'une centaine de corps étaient toujours coincés dans les décombres.
La plupart prenaient leur petit-déjeuner dans la salle à manger de l'hôtel au moment du drame. "Ils n'ont même pas su ce qu'il leur arrivait", s'est lamenté le colonel en montrant des piliers en béton cassés net par la force de l'eau.
Sur les trois niveaux que comptait l'hôtel, le rez-de-chaussée n'est plus qu'un amas de décombres boueux et le premier étage est en partie dévasté.
Plus loin, Yanyong Korpetch, propriétaire d'un modeste hôtel, raconte que les corps de plus de cent de ses 300 clients ont été retrouvés. Il estime que 5.000 touristes étrangers ont été tués à Khao Lak.
Dans la boue et les gravats, des bras, des jambes, des têtes émergent çà et là.
Des soldats ont entassé à l'arrière d'un camion une centaine de corps déchiquetés retrouvés dans un temple bouddhiste, à l'extrémité sud de la plage de Khao Lak. Six d'entre eux au moins étaient des étrangers. Bien peu sont identifiables.
Bejkhajorn Saithong, un Thaïlandais de 39 ans, cherche sa femme dans la boue amoncelée dans l'hôtel Ban Khao Lak.
"Mon fils pleure, il réclame sa mère. Je pense que c'est elle, là. Je crois que je reconnais sa main."
Le raz-de-marée, dit-il, a déferlé sur 500 mètres à l'intérieur des terres et l'eau a atteint le premier étage d'une rangée de boutiques.
A certains endroits, la vague a même pénétré plus loin. Un bateau de patrouille de la police maritime a été retrouvé dans une forêt à un kilomètre du rivage, avec quatre corps à l'intérieur.
Au sud-est de Phuket, à Koh Phi Phi, rendue célèbre en 2000 par le film "The Beach" ("La plage") avec Leonardo DiCaprio et Virginie Ledoyen, a aussi été dévastée.
Plus de 90 cadavres ont été retrouvés sur cette île, dont 60 étaient des touristes étrangers, selon Anek Jewwuthipong, ingénieur civil en chef de la province de Krabi.
"Nous estimons qu'il y a plus de 200 corps qui n'ont pas été récupérés", dit-il.
Sur l'île de Phuket, on recense pour l'heure 203 morts. Des diplomates de 28 pays y sont à pied d'oeuvre et organisent un gigantesque pont aérien pour rapatrier leurs ressortissants, dont beaucoup n'ont plus ni papiers d'identité ni vêtements.
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