Interpol a lancé à Phuket le plus grand centre d'identification de victimes de catastrophes naturelles jamais conçu, afin de démêler l'écheveau des données médico-légales fournies par les corps de plus de 5.000 personnes tuées par le tsunami en Thaïlande. /Photo prise le 11 janvier 2005/REUTERS/Kin Cheung
mardi 11 janvier 2005, 9h52
Interpol lance un centre d'identification de victimes à Phuket
Par Ed Cropley
PHUKET, Thaïlande (Reuters) - Interpol a lancé mardi le plus grand centre d'identification de victimes de catastrophes naturelles jamais conçu, afin de démêler l'écheveau des données médico-légales fournies par les corps de plus de 5.000 personnes tuées par le tsunami en Thaïlande.
"C'est un peu une première mondiale", a déclaré Jeff Emery, médecin-légiste d'Interpol chargé d'une équipe de quelque soixante inspecteurs, médecins et pathologistes de 20 pays. "Cela met à contribution les technologies les meilleures et les plus nouvelles du monde."
Le centre, installé dans les locaux d'une société de télécommunications de l'île thaïlandaise de Phuket, ravagée par le raz de marée du 26 décembre, servira de banque de données géante. On y confrontera relevés dentaires, empreintes digitales et données d'ADN avec ceux des informations analogues en provenance des pays d'origine de personnes disparues.
Ce processus laborieux, qui implique une collaboration étroite entre policiers, dentistes et familles de victimes en Thaïlande et dans des dizaines d'autres pays, n'aboutira sans doute pas avant plusieurs mois. Mais il porte déjà ses fruits.
"Il est difficile de fixer un délai, mais il semble raisonnable de s'attendre à ce que cela ne dépasse pas six mois", a estimé Emery. "Nous avons toutefois très bon espoir d'obtenir quelques succès à bref délai. Nous avons des informations positives."
Au total, 5.309 morts ont été recensés en Thaïlande en conséquence du tsunami. Quelque 3.370 autres personnes sont portées disparues et le gouvernement présume qu'elles sont au nombre de 3.700 corps restant à identifier.
La moitié environ des corps identifiés jusqu'ici sont ceux de touristes étrangers, originaires pour la plupart d'Europe du Nord.
DENTS, EMPREINTES DIGITALES, ADN
Le centre accordera une importance égale au traitement des dossiers thaïlandais et étrangers, a déclaré Carl Kent, responsable d'Interpol, en écartant des critiques selon lesquelles les équipes médico-légales internationales ne s'intéresseraient qu'à l'identification des étrangers.
"Tous les examens seront menés sans discrimination concernant l'origine ethnique ou la race", a souligné Kent devant des journalistes.
Interpol dispose de trois moyens officiels d'identifier un corps - les relevés dentaires, les empreintes digitales et les échantillons d'ADN. Ses représentants espèrent que dans beaucoup de cas les documents dentaires - les plus faciles à obtenir rapidement - se révéleront suffisants.
Dans les heures qui ont suivi son entrée en action, le centre avait déjà reçu un millier de dossiers dentaires de l'étranger. "Si les spécialistes dentaires parviennent à une identification positive, il n'y a pas besoin d'aller au-delà. Etablir l'empreinte digitale ne reviendrait qu'à répéter l'effort", déclare Mark Branchflower, spécialiste des empreintes digitales auprès d'Interpol.
Pour les empreintes digitales, le centre s'appuie sur des documents reçus des pays d'origine ou sur des empreintes provenant directement du foyer d'un disparu. "Nous recherchons des choses telles qu'un verre d'eau qu'a bu quelqu'un la veille de son départ en vacances et laissé près de son lit", indique Branchflower.
Quand les empreintes digitales ne permettent pas d'aboutir à une identification sûre, les médecins-légistes auront recours aux informations génétiques fournies par des échantillons d'ADN.
Les données d'ADN provenant des cadavres seront traitées dans des laboratoires en Thaïlande, en Chine et aux Etats-Unis et reviendront à Phuket dans les trois semaines afin de former une série de numéros qui seront confrontés aux échantillons d'ADN prélevés sur des parents de victimes disparues.
Le ministre thaïlandais de l'Intérieur Bhokin Bhalakula a déclaré que le nombre des corps non identifiés était proche de celui des personnes portées disparues, ce qui laisse penser que la plupart des corps ont maintenant été récupérés.
"Il est très probable que la plupart des disparus figurent parmi les corps non identifiés, a-t-il dit. Nous devons à présent obtenir que les familles envoient leurs échantillons d'ADN pour confrontation avec les cadavres."