Il y a un mois le roi Sihanouk a annoncé qu’il rentrerait à Phnom Penh fin septembre. Il a décidé de prolonger son séjour en Chine et cela a été perçu comme un signe d’irritation devant la crise politique du Cambodge où les partis ont mis un an à former un nouveau gouvernement après les élections législatives de juillet 2003.
Le roi est effectivement très préoccupé par la dérive autocratique du pouvoir cambodgien et par la mise en place d’un régime personnel basé sur l’utilisation de la force brutale et de la corruption.
Le 13 juillet, le président du Sénat Chéa Sim était expulsé vers la Thaïlande par décision du Premier ministre Hun Sen. Lors de la formation du cabinet, ils ne se seraient pas entendus sur la répartition des porte-feuilles, notamment ceux de l’intérieur et de la défense. En représailles, Chéa Sim, chef d’Etat par intérim en l’absence du roi Sihanouk, a refusé de signer la loi constitutionnelle qui autorisait la procédure très controversée du « vote bloqué ». Cette loi autorise le vote de la confiance au nouveau gouvernement à main levée. Furieux, Hun Sen a fait encercler la résidence du président du Sénat, avant de l’expulser du pays.
Cet incident n’est que le signe le plus visible de la tension croissante entre Hun Sen et le roi Sihanouk. Le souverain qui, selon la Constitution, est dépourvu de pouvoirs politiques formels, n’a pas fait mystère de son opposition au vote bloqué. Mis à l’écart des tractations pour sortir de la crise politique qui a suivi les législatives de juillet 2003, il a refusé de revenir à Phnom Penh pour la mise en place du nouveau gouvernement, préférant se rendre en Corée du Nord. Sihanouk a également brandi la menace d’abdication, une manière de manifester son double mécontentement : d’une part, il n’apprécie pas le peu de cas qui font les dirigeants khmers de son avis. Et, d’autre part, il ne veut pas cautionner un gouvernement qui tend à se transformer en dictature.
Malgré cette succession de crises au sommet de l’Etat, le Cambodge a réussi à sortir d’une impasse qui a duré un an et qui menaçait sa crédibilité . Aujourd’hui, son intégration comme membre à part entière dans l’Organisation Mondiale du Commerce, qui sera effective cette semaine, ainsi que la mise en place du tribunal pour juger les dirigeants du régime khmer rouge, sont prioritaires. Comme rien ne doit empêcher que ces deux évènements soient un exemple pour le Tiers Monde, la communauté internationale préfère fermer les yeux devant les coups de force de Hun Sen.