La place des femmes dans la vie politique est en légère augmentation pour cette troisième législature qui aura mis près d’un an à voir le jour. La question de la représentativité des femmes, devenue centrale dans la plupart des grandes démocraties, dépasse de loin le cadre strictement cambodgien. En dehors de quelques pays du nord de l’Europe parvenus naturellement à la parité des sexes, les femmes éprouvent encore le plus grand mal à se faire une place aux côtés des hommes dès qu’il s’agit de gérer les affaires “importantes” de la nation. En France, des quotas ont même dus être instaurés pour contraindre les hommes politiques à la galanterie.
Le Cambodge ne s’en sort finalement pas si mal avec 18 femmes sur les 123 députés de la nouvelle Assemblée (14,5%), contre 7 au début de la précédente législature en 1998 (5,7%). Ce contingent était néanmoins passé à 15 en 2003 (12%), à la faveur des décès et démissions d’élus et en vertu d’une politique de promotion de l’égalité des sexes initiée en 1998. Si la proportion de femmes à l’Assemblée est en augmentation, c’est en grande partie parce que le nombre de candidates aux élections législatives n’a cessé de croître ces dernières années : 5% en 1993, 16,9% en 1998 et 25,4% en 2003.
Mais si la chambre basse ouvre volontiers ses portes au deuxième sexe, on ne peut pas en dire autant de l'exécutif, visiblement plus conservateur. Les deux femmes nommées ministres dans le nouveau gouvernement (Inspection et Affaires féminines) ne font ainsi que compenser le départ de la princesse Bupha Dévy du ministère de la Culture et de Mu Sochua des Affaires féminines. Et si le nombre de femmes secrétaires d’Etat a triplé, passant de trois à neuf, ce phénomène accompagne en grande partie la spectaculaire inflation du nombre de postes à pourvoir qui est passé de 50 à 135. Il est en outre à noter que cinq des neuf secrétariats d’Etat alloués à des femmes sont au ministère des Affaires féminines, qui ne compte aucun homme.
Pour Pok Nanda, directrice de l’Organisation pour la prospérité des femmes, ce résultat, certes insuffisant, couronne le travail de sensibilisation et de formation auprès de la population féminine entrepris par des organisations en collaboration avec les autorités : “Les femmes craignent souvent de ne pas être à la hauteur de la tâche. Elles ont tort. Dès qu’on leur en donne la possibilité, elles se montrent très à l’aise pour trouver des solutions”, explique-t-elle. Ce long chemin parcouru avant que les femmes se taillent un étroit passage dans la vie publique s’explique selon elle par deux freins culturels : le manque de soutien dont elles bénéficient tant au sein de leur famille naturelle que de leur famille politique, cette dernière étant souvent réticente à les placer en tête de liste en période d’élections.
Pourtant, à en croire Hear Sok Sary, directeur du projet d’observation de l’Assemblée nationale au CDS, les députées seraient plus actives et plus assidues lors des débats parlementaires que leurs homologues masculins, sans doute davantage blasés par des siècles de contrôle sans partage du pouvoir. Seuls 52% des hommes participeraient ainsi activement aux débats parlementaires, alors que 100% des femmes prennent la parole, souvent pour défendre leurs droits. Il est cependant à noter qu’au cours du précédent mandat, un certain nombre de députées s’étaient opposées au projet de loi sur la violence domestique, redoutant qu’il aille à l’encontre de la culture cambodgienne.
Chheang Bopha