Agriculture - Le fruit du dragon à la conquête des jardins cambodgiens
27-09-2005
Cambodge Soir - Quand elle a essayé pour la première fois de faire pousser un plant de fruits du dragon dans son jardin, juste pour le plaisir, Srey Linna ne pensait pas devenir quatre ans plus tard la patronne d’une vaste plantation de cette variété de cactus grimpant. Aujourd’hui, de nombreux Cambodgiens se rendent chez cette agricultrice de 29 ans, dans son village de Trapaing Leu, situé dans le district de Chbamorn (province de Kompong Speu), pour lui acheter des plants.
Le fruit du dragon (ou “pitaya”) n’est pas une variété cambodgienne et s’épanouit normalement dans des pays à la température plus fraîche. Mais Srey Linna a réussi à faire pousser plusieurs plants dans son jardin, à partir de boutures importées : “C’est mon beau-frère qui a d’abord amené 200 boutures d’une exploitation thaïlandaise de Chheang May en 2001, elles-mêmes importées de Taïwan, raconte la jeune agricultrice. Alors, j’ai essayé de les planter, d’abord simplement pour décorer mon jardin. Je trouvais cette plante bizarre et je n’en avais jamais vue au Cambodge. Mais je craignais que les pousses ne s’adaptent pas aux conditions climatiques”. Au début, cette soudaine passion pour ces cactées à la forme étrange ne réjouissait pas vraiment sa mère, qui refusait de sacrifier les fleurs de son jardin. Srey Linna l’a finalement convaincue. Au bout d’un an, toute la famille et les voisins ont eu la surprise de découvrir les grandes fleurs odorantes puis les énormes fruits roses et écaillés. L’entourage a commencé à s’intéresser à ces drôles de plantations. Certains demandaient même s’il était possible d’acheter de petites boutures pour les mettre dans leur jardin. Et de boutures en boutures, c’est un véritable commerce qui a poussé. Depuis novembre 2004, la jeune femme affirme avoir vendu plus de mille boutures dans les provinces de Mondolkiri, Ratanakari, Battambang, Siem Reap, Kampot et Sihanoukville. Et aujourd’hui, face à une telle demande, la petite plantation ne peut plus honorer toutes les commandes. Il faut de la patience : un plant sur lequel on a prélevé une bouture ne produit de nouvelles pousses qu’après trois à quatre mois.
“Je vends mes boutures à bas prix : un dollar. Quand je devais les importer, ça me coûtait 3,5 dollars l’unité, sans compter le prix du transport. Et avec ça, il me fallait encore payer les ouvriers, acheter des terres pour agrandir l’exploitation...”, explique la jeune femme.
Srey Linna continue à étendre son exploitation, en suivant le même processus pour chaque plant. Il faut creuser un trou de 50 cm de largeur, longueur et profondeur, dans lequel sont placées quatre pousses qui grimperont le long d’un tuteur en bois ou en béton d’une hauteur de deux mètres. Il faut ensuite veiller à ne pas laisser de ramifications en dessous de ces deux mètres. Ces cactus grimpants s’étalent ensuite en hauteur où ils donneront des fruits, au bout de 7 à 12 mois.
D’après Srey Linna, les rendements dépendent de la lumière de la lune. “C’est une plante qui adore la lumière lunaire. Lorsque la lune éclaire beaucoup, elle fleurit et donne de très beaux fruits. C’est pour cela qu’il faut la planter en extérieur. Mais le fruit du dragon n’aime pas beaucoup la chaleur du soleil”, explique l’agricultrice, qui souligne que ses plants ne produisent que pendant la saison des pluies.
Les fruits du dragon produits à Kompong Speu ont une spécificité, par rapport à ceux importés qu’on trouve sur les marchés : leur chair n’est pas blanche mais rose. Leur goût est légèrement plus sucré et Srey Linna assure qu’ils sont excellents pour la santé, surtout pour les personnes âgées. Pour le moment, rares sont ceux qui ont pu y goûter, la production étant insuffisante pour alimenter les marchés et les rares fruits étant réservés aux clients des boutures.
Rançon de la gloire : Srey Linna n’est plus la seule à avoir une plantation de fruits du dragon. Désormais, deux autres plantations existent dans la province de Kompong Speu, grâce à ses boutures.
“J’estime qu’il me reste encore un an à tirer profit de la vente des boutures. Car d’ici deux ans, d’autres agriculteurs pourront bouturer leurs propres plantes.” La jeune femme se réjouit plutôt de cette situation et espère voir fleurir ces étranges cactus dans tout le pays. Elle garde aussi une longueur d’avance sur ses concurrents : elle projette d’élargir sa plantation pour vendre les fruits sur les marchés locaux et pourrait même se lancer dans l’export, avec le concours d’un Cambodgien vivant à l’étranger.
Ros Dina