Un livre rassemble dix ans de chroniques sociales de Cambodge Soir
10-10-2005
Cambodge Soir - Traiter des enjeux de société du Cambodge contemporain, à partir des articles publiés au long de la décennie écoulée dans les pages d’un fameux quotidien francophone (suivez mon regard). C’est la formule retenue par le dernier ouvrage en date publié par l’Institut de recherche sur l’Asie du Sud-Est (Irasec), intitulé Cambodge Soir : chroniques sociales d’un pays au quotidien.
Grégoire Rochigneux, directeur adjoint de l’Institut - et ancien journaliste à Cambodge Soir - s’en explique : “La plupart des publications en français consacrées à l’époque contemporaine s’arrêtent aux Khmers rouges. On ne trouve rien sur la société cambodgienne d’aujourd’hui.” Une absence de sources documentées d’autant plus paradoxale, constate-t-il, que le Cambodge connaît depuis un quart de siècle des bouleversements profonds - avec une accélération certaine depuis l’intervention onusienne de 1992. “On ne se rend pas forcément compte lorsque l’on réside depuis peu dans le pays, mais le Cambodge d’il y a dix ans connaissait encore l’insécurité due aux Khmers rouges, l’économie était plus qu’embryonnaire, sans industrie textile, et Phnom Penh, livrée aux checks-points dès la nuit tombée, subissait un couvre-feu de fait”, se remémore Grégoire Rochigneux. C’est cette évolution que Cambodge Soir, apparu à l’instar de nombreux titres dans le contexte précaire des années 90, s’attache à raconter. Et c’est à ce titre le support qu’a privilégié l’Irasec pour mener à bien cet état des lieux d’un pays qui ne saurait se laisser résumer à quelques perceptions figées - mais qui, comme toute société vivante, connaît défis, espérances et angoisses. Le Cambodge de notre temps.
Puisant dans la matière accumulée depuis dix ans par le journal, l’ouvrage donne une seconde vie aux articles en les replaçant dans le cadre de grandes thématiques, ponctuées des introductions rédigées par diverses personnalités, tous fins connaisseurs du pays. La narration journalistique, soumise à l’emprise impitoyable du quotidien, trouve dans cet ordonnancement une cohérence nouvelle, bénéficiant de la réflexion qu’autorise le recul du temps. Cinq étapes, cinq parcours différents sont proposés aux lecteurs pour appréhender le monde cambodgien : “Le traumatisme khmer rouge” “la pauvreté”, “les terres”, “les croyances et le divin”, enfin, “la jeunesse”. Certains de ces intitulés font percevoir à eux seuls toute l’âpreté de la réalité ici traitée. Héritier de trente ans d’épreuves meurtrières, le Cambodge reste aujourd’hui soumis à des tensions auxquelles ni la stabilité politique, ni l’assistance internationale, n’ont suffi à mettre un terme. Mais comme l’explique Olivier de Bernon, de l’Efeo, dans sa préface, “au fond, ces questions se recoupent intimement : les notes consacrées à un thème éclairent les tableaux dressés d’un second.” Et le goût de la vie comme la profonde spiritualité qui émanent de tel ou tel portrait vient utilement offrir son pendant au sentiment d’injustice ou d’arbitraire qui transparaît de certains bilans socio-économiques. C’est à la découverte de cette pluralité, que chacun abordera suivant son goût et sa sensibilité, que le livre est une invite. Tout cela à l’image, comme le formule Grégoire Rochigneux, de “ce pays excessif où les désastres peuvent être aussi quotidiens que les miracles.”
Samuel Bartholin