La spéculation foncière, un jeu dangereux pour l’économie cambodgienne?
29-12-2005
Cambodge Soir - Alors que certains assistent impuissants à la flambée des prix des terrains, la spéculation foncière permet à ceux qui disposent déjà de terres et/ou d’argent de faire de juteux profits. Plusieurs économistes estiment cependant que cette spéculation est un jeu dangereux aussi bien pour les spéculateurs que pour l’ensemble de l’économie cambodgienne, et pourrait se révéler à terme nocive.
Lim Visal, économiste de de l’Institut d’économie du Cambodge (EIC), est catégorique : la spéculation foncière ne stimule pas l’économie et augmente au contraire le coût des investissements. “L’achat de terrains est une activité improductive, affirme-t-il. En achetant un terrain 10 000 dollars et en le revendant 20 000, on gagne certes 10 000 dollars, mais on est le seul gagnant, tandis que le dernier acheteur est perdant. Alors que si on place les mêmes 10 000 dollars pour créer une usine, on pourra aussi faire un profit de 10 000 dollars, mais en plus on aura créé des emplois, de la valeur ajoutée et cela aura profité à beaucoup de monde”, explique l’économiste.
Un avis que partage Kong Chandararoth, directeur de l’Institut du Cambodge des Etudes pour le développement. “La spéculation foncière n’est pas du tout saine pour l’économie, estime-t-il. Les terrains qui font l’objet de spéculation, qui étaient auparavant cultivés, sont rarement exploités par la suite. Cela a un impact négatif et fait baisser la production. De plus, la spéculation provoque une flambée des prix qui crée des difficultés supplémentaires pour les investisseurs, en particulier les locaux”.
Les agents immobiliers, premiers témoins voire acteurs de cette vague spéculative, affirment aussi être inquiets de ce phénomène. “Dans ces opérations spéculatives, l’argent ne sert que les intérêts individuels mais ne participe pas au développement de l’économie”, déplore le responsable de l’agence Angkor Real Estate. “La flambée des prix des terrains provoquée par la spéculation n’est pas une bonne chose”, renchérit le responsable d’une autre agence, Bonna Realty, qui reconnaît que près de 60 % des acheteurs sont des spéculateurs.
Tous mettent aussi en garde contre l’éclatement de la bulle spéculative. “Si les prix montent de façon excessive, ils vont finir par chuter, c’est certain. Et il y aura forcément des victimes : les derniers acheteurs. Aujourd’hui, des gens s’enrichissent avec les terrains, mais demain d’autres s’appauvriront. C’est un réel facteur d’instabilité sociale”, prévient Lim Visal, qui cite l’exemple du Japon, confronté à une telle situation dans les années 90. La solution pour limiter la spéculation ? “Une taxe”, affirme Lim Visal qui estime que cette spéculation est surtout due à un comportement moutonnier des investisseurs; taxe à laquelle le responsable d’Angkor Real Estate est lui aussi favorable.
Le responsable de Bonna Realty voit lui d’autres causes et d’autres solutions à ce phénomène : “La lourdeur des procédures n’incite pas les entrepreneurs à investir pour créer quelque chose. Pour cela, il faudrait avant tout faciliter les procédures pour les entrepreneurs”.
Ky Soklim