Un centre lotus-fleur de lumière entièrement dédié aux arts

Loisirs - Un centre lotus-fleur de lumière entièrement dédié aux arts martiaux

04-01-2006
Cambodge Soir - Kandal - Une légère brise fait danser les larges feuilles vertes des bananiers du village de Prek Ho situé dans le chef-lieu de Takhmau. Le doux gazouillement des oiseaux charge l’air d’un parfum de sérénité. Les deux statues en pierre de gnomes balinais placées à l’entrée du centre “lotus-fleur de lumière”* veillent à l’esprit zen des lieux. Le temps s’écoule d’une manière lente et fluide.

Installé sur un kré, le maître des lieux, d’une voix claire et puissante tel le prince Siddharta qui deviendra le Bouddha, explique la finalité de cet espace : “C’est un centre dédié au développement personnel qui passe par la pratique des arts martiaux et autres disciplines comme l’étude des langues étrangères et le langage informatique. Quand je parle de développement personnel, c’est prendre conscience que l’on a en soi les capacités à agir pleinement”, affirme Eap Phalla Bruno, vice-président du centre et professeur d’arts martiaux.

“J’ai eu la chance de recevoir des enseignements précieux comme ceux de mon maître d’arts martiaux viêtnamien Khien Vuonh de l’école de Song-Long [les deux dragons] dont je suis disciple mais aussi des enseignements de Choguyam Trungpa Rimpoché (un maître spirituel tibétain) qui à travers la voie Chambala [la voie sacrée du guerrier] propose la mise en place d’une société éveillée”, ajoute-t-il sans sourciller, le dos soutenu par des coussins aux motifs fleuris.

Le centre “lotus-fleur de lumière” s’inscrit dans la continuité des enseignements ancestraux dont Eap Phalla Bruno se nourrit depuis des années. Cela fait six ans que le groupe d’élèves du village constitué de trente Cambodgiens(-nes) âgés de huit à trente ans reçoit une éducation à ces arts ancestraux. Dans ce travail se distingue deux catégories : La forme externe qui regroupe toutes les données physiques et visibles comme l’aspect combatif du Kung fu ou du Viet vo dao avec le maniement des armes (le bâton, le sabre et l’épée), mais aussi l’aspect interne qui vise plus une approche énergétique tel que le Taï chi chuan et le Chi kong”, analyse-t-il. Car dans le cadre de ce projet, les perspectives d’ouverture sur les différentes cultures sont tout aussi enrichissantes que la pratique elle-même des arts martiaux. Les jeunes se déplacent en province afin de visiter les temples d’Angkor Vat. Des groupes de musiciens de l’Hexagone viennent transmettre leur expérience ou des thérapeutes leurs techniques de massage. Des projections de documentaires sont organisées sous la forme d’un véritable voyage spirituel qui initie à l’engagement moral mais aussi à la recherche du sens de sa vie.

“Lotus-fleur de lumière” repose sur le principe d'entraide mutuelle. Chacun partage ses connaissances et sa bonne énergie. La participation aux travaux d’entretien et aux tâches ménagères corrobore la politique d’autonomie et de formation destinée aux élèves en vue d’autogérer le centre et d’enseigner les arts martiaux. “Je fais attention à ce qu’ils apprennent à donner et qu’ils ne soient pas toujours dans la demande. Je n’ai pas envie de former une génération d’assistés. Il faut qu’ils arrivent à ne plus avoir peur des responsabilités. Je leur fais comprendre que ce que je peux faire, ils peuvent le réaliser à leur tour.”

De ses fréquents séjours au village de Prêk Ho le maître a noué une forte amitié avec ses habitants. Le départ de son oncle en Australie arrive comme une bénédiction. “J’ai récupéré sa maison khmère traditionnelle en bois. Puis, les choses se sont accélérées. Les paysans d’à côté ont décidé de vendre leur terrain, j’ai décidé de l’acheter pour préserver le site. C’est après que j’ai eu l’idée de construire un centre d’aide”, se plaît-il à raconter.

Avant de revenir dans son pays natal, Eap Phalla Bruno avait vu son adolescence cambodgienne s’interrompre brutalement en 1975. A l’âge de 14 ans , il quitte le royaume un mois avant la chute de Phnom Penh avec sa mère et ses deux sœurs. Son père, Eap Meng Kor, colonel à l’époque de Lon Nol, disparaît dans les massacres de l’ère polpotienne. C’est en 1990 qu’il foule à nouveau son sol natal pour finalement y séjourner régulièrement trois mois par an.

Il partage désormais sa vie entre Paris et Phnom Penh. Ceinture noire quatrième Dan en Viet Vo Dao, il a formé en France une vingtaine de ceintures noires. “Je compte bien renouveler cette performance au centre”, annonce-t-il d’un calme olympien, en montant les marches du splendide escalier en bois qui mène à la salle de méditation qui résonne des vibrations des gongs de la minorité Phnong du Ratanakiri.

Gwénola Froment