Lettre parue dans Cambodge Soir daté 2 novembre 2004
ASSEMBLEE NATIONALE DU ROYAUME DU CAMBODGE
Phnom Penh, le 1er novembre 2004
Monsieur le Directeur
Cambodge Soir
26 CD, rue 302
Phnom Penh
Monsieur le Directeur,
A propos des plaintes contre les députés du Parti Sam Rainsy, on peut
comprendre dans l’article intitulé « Norodom Ranariddh : “Il ne faut pas
entraver le travail de la justice” » paru dans Cambodge Soir du 1er novembre
2004 que le président du Funcinpec, qui se trouve être aussi le président de
l’Assemblée nationale, serait presque heureux que l’on enlève l’immunité
parlementaire de trois députés de l’opposition. Le prince Ranariddh a laissé
entendre que “ni lui ni Hun Sen n’interviendraient dans cette affaire et
qu’ils étaient tous deux décidés à laisser travailler la justice en toute
indépendance.”
Je me demande si le prince Ranariddh est sérieux quand, contre l’avis de tous
les observateurs indépendants nationaux et internationaux, il parle de
l’“indépendance” du système judiciaire actuel au Cambodge.
De quelle sorte d’“indépendance” peut-il s’agir quand ce système judiciaire
affiche deux poids, deux mesures, et fonctionne à deux vitesses. La preuve :
il traite avec sévérité et célérité la plainte pour diffamation que le prince
a déposée contre moi, mais il a enterré la plainte pour corruption que j’ai
déposée – à peu près en même temps – contre le prince. La plainte du prince ne
vise qu’à défendre son honneur personnel, alors que la mienne cherche à
défendre l’intérêt général (surfacturation du coût de construction des
nouveaux bâtiments de l’Assemblée nationale).
Par ailleurs, au stade actuel de la procédure judiciaire qui correspond à une
simple demande d’informations de la part du tribunal à laquelle j’accepte de
me soumettre de mon plein gré, il n’y a pas besoin de lever mon immunité
parlementaire. On ne peut lever l’immunité parlementaire d’un député que pour
le traduire en justice pour crime grave.
A propos de “crime grave”, le prince Ranariddh se souvient-il qu’au lendemain
du coup d’état de Hun Sen de 1997 il a été condamné à une lourde peine de
prison et à une amende de plusieurs millions de dollars par cette même justice
dont il vante maintenant l’“indépendance” ? Se souvient-il qu’il n’a pu alors
rentrer au Cambodge et échapper à la prison que grâce à une amnistie accordée
par Sa Majesté le Roi et à l’intervention de la communauté internationale qui
veille à ce que la démocratie ne meure pas complètement au Cambodge ?
Veuillez agréer, Monsieur le Directeur, l’expression de mes meilleurs
sentiments.
[signature]
Sam Rainsy
Député