Le prince Ranariddh quitte le perchoir, remaniement au sein du Funcinpec Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
06-03-2006
Cambodge Soir - “Si je n’avais pas démissionné, le Funcinpec aurait stagné, et dans deux ans, nous aurions dû quitter la présidence de l’Assemblée dans la honte, en obtenant seulement quinze sièges de députés”, aux élections législatives. C’est par ce motif de reprise en main d’un parti en perte de vitesse que le prince Norodom Ranariddh a justifié samedi, devant les cadres de son parti, la démission de son poste de président de l’Assemblée nationale. La veille, le prince expliquait dans un courrier adressé à Chea Sim et Hun Sen, respectivement président et vice-président du PPC, que, trop accaparé par sa tâche, il n’avait “plus la possibilité d’aller à la rencontre du peuple et des militants de base du parti” et préférait céder son poste. Comme seule réaction, le PPC a samedi matin proposé la candidature de Heng Samrin, actuel premier vice-président PPC de l’Assemblée, au poste jusqu’ici occupé par le prince.
“Pour moi qui ait partagé le pouvoir dans le passé, pour moi qui ait accepté de ne pas monter sur le trône, démissioner de ce poste dans l’intérêt du parti n’est pas un grand sacrifice”, a assuré Norodom Ranariddh, qui a tenu à préciser que “le Funcinpec restait partenaire du PPC”. Il a néanmoins lancé à l’adresse de “ceux qui m’ont critiqué comme quoi j’aurai trahi l’accord entre le PPC et le Funcinpec” de lui “montrer sur quels points.” Une réorganisation de la direction du Funcinpec a été annoncée : Norodom Chakrapong remplace Norodom Sirivudh au poste de secrétaire général, ce dernier passe à l’inspection générale, le nombre de secrétaires généraux adjoints a été resserré à quatre personnes et une équipe technique a été mise sur pied pour assister personnellement le prince Ranariddh.
Reprenant l’analyse du prince, Khieu Kanharith, porte-parole du gouvernement, estime que “Samdech Krom Preah [Norodom Ranariddh] regarde au loin, vers 2007-08”, années d’échéances électorales, et “veut se tourner vers sa base, car c’est là que se forgent les futures victoires et ou défaites aux élections”. Aucun désaccord n’est à relever entre les deux partis au pouvoir, “seuls ceux qui ne connaissent pas la politique parlent de divergences”, estime-t-il.
Divergences ou pas, Sam Rainsy voit de toute façon dans cette démission la suite logique de l’adoption par le parlement jeudi de l’amendement à la Constitution - dit “50 plus un” - prévoyant une majorité absolue de députés, et non plus des deux tiers, pour le vote de confiance au gouvernement et la désignation du bureau de l’Assemblée. “Pourquoi je dis que c’est normal? Parce que c’est au parti qui possède le plus de voix à l’Assemblée de sélectionner un de ses représentants pour présider”, estime le leader du PSR. “Le Funcinpec n’a que 26 sièges sur 123 et le prince Ranariddh, il le sait, ne peut donc présider l’Assemblée.” L’amendement constitutionnel doit cependant encore être avalisé par le sénat, et le vote pour un nouveau président de chambre ne devrait pouvoir intervenir qu’à ce moment-là.
Au-delà des explications présentées par le prince, beaucoup estiment, à l’instar du député Funcinpec Monh Saphan, que dans la coalition gouvernementale, “les choses ont changé”. “Au moment de la formation du gouvernement, il s’agissait d’un gouvernement ‘empaqueté’ [kanhchop]”, explique l’élu dans une référence au vote unique de l’Assemblée en 2004 en faveur du nouveau gouvernement de coalition et de la désignation du prince Ranariddh au perchoir de l’Assemblée. “Mais ce ‘paquet’ n’est pas allé au bout de son mandat, et est à présent ouvert au changement. Du coup, c’est normal, c’est humain, qu’on ressente de la colère, de l’indignation. Je ne pense pas que le prince souhaite que le Funcinpec quitte le gouvernement, mais l’ouverture du ‘paquet’ montre que des irrégularités ont été commises entre partenaires”, déplore l’élu, qui fait remarquer en outre que “l’amendement ‘50 plus un’ va amener le parti qui possède le plus de voix à gérer toutes les institutions.”
“Je pense que la démission du prince Ranariddh est liée aux propos tenus publiquement par Hun Sen sur les faiblesses du Funcinpec”, estime lui Heng Puthea, un des reponsables de l’ONG d’observation de la vie politique Nicfec. “Par exemple, rappelle-t-il, l’histoire des membres du gouvernement nommés sur le quota Funcinpec et désignés par les maîtresses des hauts-dirigeants.” Pour le reste, le politologue estime qu’il est normal, avec l’amendement ‘50 plus un’, “que le parti qui ait le moins de voix se retrouve dans la position de la victime. Maintenant, cela va inciter les partis qu’on dit faibles à se réformer et à préparer une nouvelle stratégie pour se retrouver majoritaires.”
Leang Delux
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