les revers s'accumulent pour le Premier ministre

mercredi 15 mars 2006, 12h25
Thaïlande: les revers s'accumulent pour le Premier ministre


BANGKOK (AFP) - Pour la première fois, le Premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra a laissé entendre mercredi qu'il pourrait se retirer temporairement alors que les revers n'ont cessé de s'accumuler depuis 24 heures.
"Je suis prêt à envisager toute solution" et "je prendrai la meilleure décision le moment venu", a affirmé M. Thaksin, alors que la presse lui demandait s'il pourrait abandonner son poste pendant un certain temps comme l'ont suggéré des universitaires et des hommes d'affaires afin de sortir de la crise politique qui se poursuit depuis plus de sept semaines.

Le Premier ministre thaïlandais est dans l'oeil du cyclone depuis la vente par sa famille, pour 1,9 milliard de dollars, de toutes les parts qu'elle détenait dans Shin Corp, géant des télécommunications qu'il avait fondé avant d'entrer en politique. C'est Temasek, holding financier dirigé par l'épouse du Premier ministre de Singapour, qui a pris le contrôle du conglomérat le 23 janvier, suscitant la colère d'une partie des classes moyennes et des élites de Bangkok qui ont dénoncé la cession de ce "bien stratégique" à des "étrangers" et le fait que le bénéfice ne soit pas imposable.

"Thaksin a peut-être commis une erreur politique" et "cherche des portes de sortie", a estimé un homme d'affaires, alors que tout semblait lui réussir depuis son élection en 2001 et sa réélection triomphale en 2005. "La crise pourrait encore durer", a toutefois estimé un analyste. Au cours des dernières 24 heures, M. Thaksin, 56 ans, a subi une série de camouflets, à commencer par la pression de la rue qui s'est accentuée à Bangkok où plusieurs dizaines de milliers de personnes ont réclamé sa démission, cette fois devant le siège du gouvernement où certains irréductibles ont décidé de camper.

Par ailleurs, les chefs des forces armées ont contredit M. Thaksin qui, face à la poursuite des manifestations, avait brandi mardi la menace de l'état d'urgence en cas de violence. "L'état d'urgence n'est pas nécessaire", a déclaré le général Sonthi Boonyaratglin, chef de l'armée de terre, ajoutant qu'un tel recours "ne ferait que nuire à l'image du pays". "Les forces armées sont sous (l'autorité du) roi", a surenchéri leur commandant suprême, le général Ruengroj Mahasaranond, en prenant clairement ses distances avec le chef du gouvernement.

Pour tenter de désamorcer la crise provoquée par la vente de Shin Corp, le Premier ministre thaïlandais a dissous le 24 février la Chambre basse du Parlement et a convoqué des élections anticipées pour le 2 avril. M. Thaksin a subi un premier revers lorsque l'opposition parlementaire a annoncé qu'elle boycotterait le scrutin. Il en a subi un deuxième mercredi lorsque la Commission électorale a disqualifié 320 des 941 candidats, accentuant le discrédit qui plane sur l'ensemble du processus.

La plupart des candidats disqualifiés n'ont pas rempli l'obligation d'appartenir à un parti pendant au moins 90 jours avant la date des élections, a indiqué la Commission électorale en précisant le parti de M. Thaksin est seul en lice dans près de 70% des circonscriptions électorales. Devant l'impasse politique, des universitaires et des hommes d'affaires avaient suggéré le mois dernier que M. Thaksin se retire pendant un certain temps pour permettre la mise en oeuvre de réformes constitutionnelles réclamées par l'opposition.

"Si quelqu'un peut travailler à ma place, je ne m'accrocherais pas à mon poste", a déclaré mercredi le Premier ministre depuis le nord-est du pays où il poursuit une tournée électorale sur des terres qui lui sont totalement acquises. M. Thaksin reste populaire parmi les masses rurales. Au moment où il faisait cette déclaration, un tribunal de Bangkok a classé sans suite une plainte déposée en juillet 2003 par Shin Corp contre des journalistes qui avaient affirmé que les profits du conglomérat avaient été multipliés par trois grâce à la politique bienveillante du gouvernement.