En Thaïlande, l'impasse politique pèse sur la croissance économique
LE MONDE | 03.04.06 | 13h44 • Mis à jour le 03.04.06 | 13h44
BANGKOK CORRESPONDANT
Alors que le dépouillement des votes aux élections législatives thaïlandaises de dimanche se poursuivait, lundi 3 avril, la crainte d'une impasse politique prolongée commençait à gagner les milieux d'affaires, inquiets du coût économique de la crise. Certaines banques ont déjà révisé leurs prévisions de croissance pour le royaume. La Bourse (SET index) n'avait réussi à reprendre que 0,33 % au cours de la semaine passée, tout en restant sensiblement en deçà (2 %) de son niveau moyen du mois de mars.
Les analystes économiques tablaient initialement sur une croissance de 4,5 % à 5,5 % pour 2006. Certains d'entre eux, dans les derniers jours, estimaient qu'un prolongement de la crise pourrait coûter jusqu'à un ou deux points de croissance en raison du retard pris dans la mise en route des très vastes projets d'infrastructure - dans les transports publics notamment - sur lesquels le premier ministre Thaksin Shinawatra comptait pour asseoir une économie très dépendante des exportations. Ces projets, d'un montant de quelque 36 milliards d'euros pour les cinq prochaines années, risquent de devoir attendre la constitution d'un Parlement puis la formation d'un gouvernement.
Le décompte des voix des électeurs est inhabituellement lent. Dès lundi, il faisait néanmoins apparaître la profonde division du royaume. D'un côté, M. Thaksin a obtenu un soutien massif dans ses bastions du Nord et du Nord-Est, à la population rurale satisfaite de sa politique de soutien économique aux défavorisés ; de l'autre, il s'est vu opposer un abstentionnisme actif de la part de la population urbaine et de celle du Sud, à sensibilité démocrate. La consigne du "non" (à M. Thaksin) lancée par l'opposition a été largement suivie. Avec une participation qui semble avoir atteint son niveau normal de 70 % (le vote est théoriquement obligatoire), le premier ministre ne peut se prévaloir de la victoire qu'il escomptait. Prenant acte du "fort vote blanc" qui s'est exprimé à Bangkok, M. Thaksin a réagi, lundi, aux premiers résultats en se disant "disposé à accepter toute proposition sur la manière d'aboutir à une réconciliation nationale".
ANNULATIONS TOURISTIQUES
Des élections partielles étaient, dès lundi, en cours de préparation dans des circonscriptions où l'unique candidat de son parti, le Thai Rak Thai (Les Thaïlandais pour la Thaïlande, TRT), n'avait pas atteint la barre des 20 % exigée par la loi électorale. En principe, les 500 sièges de la chambre basse doivent être pourvus pour que celle-ci soit considérée comme légitime. "Le scénario idéal serait que le TRT remporte une victoire confortable et que M. Thaksin prenne des vacances", disait, lundi, un analyste économique cité par le quotidien Bangkok Post.
Si les investissements étrangers directs, de 2 milliards d'euros en 2005 et d'un montant équivalent prévu pour 2006, ne paraissent pas menacés pour le moment, on envisage déjà un tassement de la consommation et des investissements privés, voire des déconvenues en matière immobilière. Les touristes de Singapour, très attentifs aux remous politiques, ont déjà annulé 5 000 visites dans le royaume, selon l'autorité singapourienne de ce secteur. Nouveauté du paysage économique, le tourisme chinois (continent et Taïwan confondus) a fait chuter de 30 000 réservations les carnets de commande thaïlandais en mars, selon Bangkok.
Francis Deron