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 «Le bouddhisme est une leçon de tolérance»

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MessageSujet: «Le bouddhisme est une leçon de tolérance»   «Le bouddhisme est une leçon de tolérance» EmptyLun 15 Nov - 12:38

L'Express du 15/11/2004

José Frèches: «Le bouddhisme est une leçon de tolérance»

propos recueillis par Christian Makarian

De l'Inde du VIe siècle avant notre ère à l'extrême Asie, José Frèches retrace l'histoire fascinante de la pensée de «l'Eveillé»

Où situer Bouddha dans la grande famille des fondateurs de religion?

Dans l'aspiration spirituelle de l'homme, qui s'exprime à travers différentes religions, il existe deux grandes tendances. La première est théiste, qu'elle soit polythéiste ou monothéiste. La seconde est humaniste, c'est-à-dire plus tournée vers l'homme, l'être, l'individu, que vers la transcendance. Bien entendu, il existe des ponts entre ces deux grandes familles, par exemple le christianisme, à la fois théisme et humanisme. Bouddha, lui, s'inscrit délibérément dans la tendance humaniste, en rupture avec le polythéisme de l'Inde de son époque. Il a enseigné à ses semblables que le sujet n'était pas l'existence de Dieu ou des dieux, mais celui de la condition humaine.

Quel est le cheminement qui lui a permis de sortir du polythéisme?

Il est parti du constat de la douleur. Cette dernière est omniprésente dans toutes les phases de l'existence et l'homme y est comme enchaîné. Bouddha considère que tout ce qui pousse l'homme vers le désir ou la possession, c'est-à-dire vers l'avoir, aboutit à une souffrance. Lorsqu'on a, on perd; lorsqu'on désire, on est déçu. A cela s'ajoute la conviction que la vie ne s'arrête jamais. Dans l'Inde du VIe siècle avant Jésus-Christ, on pensait que chaque homme vivait des millions de vies successives, sous des formes différentes, fourmi, animal, être humain, et on croyait renaître sans cesse en prenant des enveloppes biologiques diverses. La façon dont on renaissait dépendait de son comportement dans une vie précédente. Celui qui avait été bon durant sa vie pouvait espérer une réincarnation sous une forme heureuse: à l'inverse, le méchant se retrouvait condamné à une nouvelle vie caractérisée par la douleur. Bouddha a cherché la voie pour sortir de ce cycle ô combien aliénant. Il a donc prêché que, pour échapper à l'engrenage, l'homme devait renoncer à posséder et à désirer. Et comment abandonner ses propres passions? En adoptant une conduite profondément bonne, compassionnelle par rapport à ses semblables, source de paix intérieure.

Pourtant, comme vous le racontez de manière romancée dans votre livre Moi, Bouddha (XO éditions), rien au départ ne destinait cet homme à une telle sagesse...

En effet. Siddharta, du clan des Gautama, voit le jour, entre 450 et 500 ans avant Jésus-Christ, dans une société de castes dominée par les brahmanes, qui servent d'intermédiaires entre la masse du peuple et une nuée de dieux, bons et mauvais. La structure sociale est figée, et le polythéisme, très rigide. Siddharta, lui, fait partie de l'aristocratie guerrière et vit dans un palais, à l'abri de tout. Mais, très vite, il découvre que le monde dans lequel il évolue n'a rien à voir avec celui du dehors, océan de misère. Bien que son père ait tout fait pour le maintenir à l'écart du monde extérieur, il sort de sa caste et prend conscience de l'omniprésence de la douleur. Il va donc s'inscrire en rupture avec son milieu d'origine. Il quitte sa famille, abandonne femme, enfant et toute richesse. Pour expliquer une telle prise de conscience, l'éminent historien André Barreau émet l'hypothèse d'un grand chagrin qui aurait décidé Siddharta à tout quitter. Dans mon livre, j'imagine qu'il perd sa femme, événement très plausible. Toujours est-il qu'il parcourt les chemins, un peu comme François d'Assise, en compagnie de son cousin et compagnon Ananda, à la recherche de la vérité. Siddharta va d'abord à la rencontre de brahmanes, de gourous, et revient toujours déçu. Mais, peu à peu, il se forge une conviction. C'est un cheminement initiatique, soit le contraire d'une révélation de type prophétique. Sa révélation est philosophique, progressive; ce n'est pas un stylet qui s'abat, c'est un escalier qui se gravit, marche après marche. De ce profond travail sur soi Bouddha tire ses «nobles vérités».

Comment a-t-il diffusé son message?

Siddharta devient l'Eveillé - littéralement Bodhi, auquel s'apparente le nom Bouddha, signifie l'Eveil - au cours d'un épisode célèbre. Il est assis sous un banian, le figuier pipal, quand il entre en méditation profonde - un peu comme le Christ au désert - et en ressort transfiguré, au stade de l'Eveil. L'arbre de l'Eveil, ou arbre du Bodhi, est du reste encore debout et fait l'objet d'un culte fervent, dans le nord de l'Inde. Encore une fois, l'éveil évoque un stade intérieur tandis que la révélation, phénomène a priori opposé mais en réalité complémentaire, fait appel à une immanence. Après ce tournant, Bouddha prononce des sermons importants et rassemble de nombreux disciples. Il procède par la parole. Si bien que, dès sa mort, la communauté des moines, ses adeptes, se réunit au cours d'un «concile» et fait transcrire par écrit les sermons de Bouddha, en sanskrit, sur des morceaux de tissu ou de bois, puis, plus tard, sur du papier. C'est ainsi que sont posées les bases de la pensée bouddhique, par ailleurs très complexe.

Somme toute, c'est un schéma assez proche de celui de Jésus...

En partie, oui. Bouddha a même son Judas Iscariote en la personne de Devadatta, un de ses petits-cousins, qui essaie de le tuer à plusieurs reprises. Il est clair que, au sein de la communauté bouddhique initiale, il existe un ou plusieurs traîtres qui, par jalousie ou divergence de vues, tentent de nuire à l'action du maître. Il reste que Bouddha, d'après tous les recoupements historiques que l'on a pu faire, a vécu vieux, probablement au-delà de 60 ans, et qu'il a prêché longtemps, probablement pendant une trentaine d'années. Son ascèse et sa grande hygiène de vie l'ont sans doute aidé à atteindre une telle longévité.

Il mourra néanmoins d'une intoxication alimentaire...

Je crois que le récit de sa mort doit être lu de façon spirituelle plus que matérielle. Nous savons que Bouddha ne mangeait pas ou peu de viande. Dans l'Inde ancienne, la croyance en la réincarnation voulait qu'on ne tue pas d'animaux pour les consommer: on ne mangeait que des viandes issues de bêtes victimes de mort naturelle. Ajoutons que le choix du dénuement extrême privait la communauté de moyens financiers; or la viande était chère. C'est la raison pour laquelle le dernier repas de Bouddha, celui où il trouve la mort, doit être interprété comme un geste spirituel. Il meurt en effet d'un empoisonnement après avoir absorbé une nourriture suspecte. Alors qu'il entre dans une ville, un peu comme Jésus apercevant Zachée à Jéricho, il distingue un homme perché sur un arbre qui l'appelle et l'invite chez lui. C'est le forgeron Chunda, homme généreux, qui fait dresser la table par ses enfants et servir une sorte de ragoût à base de champignons. Bouddha sait le risque qu'il prend mais il mange néanmoins, pour honorer son hôte. Et il meurt. Contre le principe de précaution, en quelque sorte, il a préféré faire plaisir à quelqu'un. Vraisemblablement, il avait décidé que son heure était venue. La leçon, en tout cas, est claire. Bouddha est un être de renoncement; se voyant divinisé par Chunda, il donne une ultime leçon en refusant d'être adulé et en quittant ce monde. Il avait toujours dit à ses disciples, qui avaient tendance à le vénérer, qu'il n'était pas un dieu.

Cela dit, il est tout de même devenu un dieu...

Oui, notamment en Birmanie, en Thaïlande, y compris en Chine, où sa gloire dépassera même celle d'un dieu. Le rapport à Bouddha y est tout à fait comparable à celui qu'entretiennent les peuples monothéistes avec Dieu. Mais cela n'a jamais été la volonté de Bouddha, dont le message, très exigeant, s'est heurté à des difficultés de compréhension populaire ou au besoin de religion. Par exemple, Bouddha n'a pas connu de grands succès en Inde, tout comme Jésus en Israël, parce qu'il n'a pas voulu créer d'institution. Les brahmanes et les castes ont eu raison d'une doctrine qui n'avait pas de structures. Puis l'islam, arrivé en Inde près de quatre siècles après la mort du Prophète, fait un tort considérable à la foi bouddhiste et à ses disciples. En revanche, ces mêmes disciples ont essaimé ailleurs. Avec grand succès, à travers la route de la Soie, vers l'est. Au Ier siècle de l'ère chrétienne, des moines indiens traduisent la parole de Bouddha du sanskrit au chinois.

C'est là qu'une scission s'opère progressivement...

Le bouddhisme originel était très exigeant. Il demandait aux adeptes de suivre un comportement radical: vœu de chasteté, abandon de toute richesse, hygiène et méditation très strictes... Il fallait, en clair, devenir carrément moine. Assez rapidement, les monastères ont estimé que c'était là trop demander puisque, de facto, la voie du salut était restreinte ou en tout cas fermée à tous ceux qui menaient une vie «normale». Ceux qui pensaient que seuls les moines pouvaient atteindre le salut et défendaient la voie étroite ont fondé le «petit véhicule», ou hinayana. C'est une école de pensée qui est très majoritaire à Ceylan, île considérée comme la plus proche du bouddhisme originel, mais également au Cambodge, en Thaïlande et au Vietnam. A l'opposé, les bouddhistes aux vues plus larges ont inventé la notion de «grand véhicule», ou mahayana. Selon ces derniers, le salut est ouvert à tout le monde à condition que la société civile tout entière finance les moines, qui, eux, méditent et prient pour les autres. C'est la branche qui a notamment prospéré en Chine, pays où le commerce est roi, et qui a opéré un vrai transfert de richesses, au sein de la société, entre nantis et démunis.

Comment peut-on résumer la vraie teneur de sa doctrine?

Pour un bouddhiste sincère, l'existence qu'il mène n'est que l'une parmi des milliers d'autres qu'il a vécues sous des formes extrêmement différentes, humaines ou animales. Seul Bouddha est un être qui a pratiqué le bien durant chacune de ses existences: humain, il a donné ses yeux à un aveugle, lièvre, il a donné sa vie à un chasseur pour sauver la vie des siens. Sacrifice, don de soi et bonté perpétuelle, telles sont les valeurs de base par lesquelles on s'assure une vie future meilleure. Tout cela dans un monde caractérisé par la douleur. Donc la cessation de la douleur, le nirvana, s'atteint par la compassion et le respect d'autrui. Par ce cheminement exigeant, l'homme passe du monde sensoriel et sensuel à un univers totalement spirituel, dans lequel toute sensation est appelée à disparaître, celle du mal comme celle du bien. Si je veux cesser de souffrir, si je veux être en harmonie avec moi-même et le reste de la création, il faut que je fasse le bien. Mon bien-être comme mon avenir dépendent d'une théorie des actes, le karma. Ce sont ces actes qui vont me permettre de renaître dans la peau ou le corps d'un être plus pur que ce que je ne suis. C'est ainsi que, vie après vie, je vais monter l'escalier, au lieu de le redescendre, jusqu'à la dernière marche, celle qui me permettra de devenir un boddhisatva, un Eveillé, c'est-à-dire un être en passe de devenir Bouddha. Ainsi, je pourrai enfin atteindre le nirvana, c'est-à-dire l'état où mon être lui-même aura cessé d'exister. Tout homme, quelle que soit sa race ou sa condition sociale, a la possibilité de monter la plus haute marche de l'escalier qui le fait passer dans l'ailleurs, dans un univers où il n'y a plus de passion, ni bonheur ni malheur, ni amour ni haine. L'homme, être de chair et de sang, devient alors un pur esprit.

Le nirvana n'est pas pour autant le néant...

Surtout pas. C'est un ailleurs, dans le temps et dans l'espace, où l'être ne souffre plus parce qu'il a abandonné sa raison d'être. Le paradoxe du bouddhisme est de constituer un humanisme qui invite l'homme à devenir l'inverse d'un homme, à savoir un pur esprit, détaché de toute passion, de toute émotion. C'est dans ce renoncement profond à ce que nous sommes que se trouve la quête spirituelle.

N'est-ce pas une pure utopie?

Je ne le pense pas. Quand on songe, par exemple, au caractère absolu du monothéisme, on ne peut que s'interroger. Toutes les religions monothéistes sont passées par la force ou la conquête par les armes. Tandis que le bouddhisme s'est répandu en Asie sans faire de guerres, uniquement par la valeur de l'exemple et la porosité des esprits à cette philosophie du bien. C'est par leur bon comportement que les moines indiens ont converti les Chinois, jusqu'à représenter la première religion du pays sous les Tang.

Encore faut-il tenir compte de l'importance du facteur culturel. Pensez-vous que le bouddhisme aurait pu séduire l'Occident par son seul message?

A propos d'hier, je ne saurais dire, mais, concernant notre époque, il est évident que oui. Le bouddhisme nous donne une grande leçon de tolérance, d'autant plus que l'on peut parfaitement adopter la philosophie bouddhiste et penser que Dieu existe. Je crois personnellement que c'est dans le renoncement à ce que l'on a et à ce que l'on est que l'on atteint le divin. Mais, pour renoncer à ce que je suis, il faut que je sois quelqu'un. Et c'est tout le problème. La grande tragédie du XXIe siècle, c'est l'extrême dénuement de milliards d'individus sur la Terre, qui ne sont rien en termes de leurs droits ou de subsistance. De ce point de vue, nous nous trouvons toujours dans le siècle de Bouddha, face au drame de la pauvreté tel qu'il a dû lui-même le vivre. Quand il disait que ce monde est un monde de douleur, il énonçait une vérité qui n'a jamais été aussi forte. Ce qui garde à sa «noble voie» une valeur intacte.

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Les véhicules de la sagesse

Dans le foisonnement des écoles bouddhistes, on distingue généralement deux grandes traditions. Celle du petit véhicule - le hinayana - assez peu représenté en France, et celle du grand véhicule - le mahayana, majoritaire dans l'Hexagone, dont le bouddhisme tibétain est l'une des branches, avec le zen japonais. Ces deux écoles d'interprétation conçoivent différemment le cheminement vers l'Eveil. Le petit véhicule, qui s'appuie sur les préceptes dispensés par Bouddha à ses disciples, considère que la libération intérieure nécessite une discipline si grande qu'elle demeure improbable ici-bas. Cette tendance met en avant la voie monastique et la parole du maître. Elle est majoritaire en Asie du Sud-Est et à Sri Lanka. Le grand véhicule, en revanche, se fonde sur des écrits postérieurs - les sutras - pour affirmer que chaque homme peut parvenir à l'illumination suprême. Selon cette théorie, tout être vivant possède en lui un peu de la nature de Bouddha. Au pratiquant de retrouver «la pleine conscience de ce qu'il a toujours été au fond de lui-même», explique Dennis Gira, qui a publié un ouvrage de référence, Comprendre le bouddhisme (Cerf). Cette doctrine s'est répandue en Chine, en Corée et au Japon. Le bouddhisme tibétain, pour sa part, appartient à la tradition du véhicule de diamant, ou tantrisme. Cette sous-branche du grand véhicule met l'accent sur l'ésotérisme et les divinités.

Claire Chartier


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