Yotaka le 17 juin 2005 à Monaco
JUSTICE - Yotaka, une enfant tiraillée entre la France et la Thaïlande
Depuis près d’un an, une grand-mère française se bat pour ramener sa petite-fille enlevée à Koh Samui… par sa mère. Yotaka, qui a grandi en France, vit aujourd’hui dans la province de Chaiyaphum dans sa famille thaïlandaise. Mais les juges doivent encore décider de son sort
Yotaka le 17 juin 2005 à Monaco
Yotaka est une petite fille de 7 ans née à Nice de père français et de mère thaïlandaise. Peu après sa naissance, le couple s'est séparé. La mère de Yotaka est rentrée au pays tandis que la fillette est restée à Monaco auprès de son père Olivier Guiglionda et de sa grand-mère, Marie-France Kragt dans la maison familiale.
Enlevée sur ordre de sa mère
Mais le 12 août 2005, tout bascule.
Alors qu’elles sont toutes les deux en vacances à Koh Samui dans la résidence secondaire de madame Kragt, Yotaka est littéralement enlevée par deux femmes qui la mettent dans une voiture et disparaissent de l’île. L’enquête de police révèlera que les kidnappeuses ont été engagées par la propre mère de Yotaka, Yada. Arrêtées, elles seront relâchées sous caution. Mais cela ne ramène pas Yotaka pour autant… qui reste avec sa mère dans la maison familiale de Chaiyaphum. Madame Kragt se lance alors dans un combat acharné pour ramener sa petite-fille en France (voir aussi notre encadré).
Entre tribunaux français et thaïlandais
Mandatée par Olivier, son fils, elle engage en octobre une action pénale en Thaïlande contre Yada pour enlèvement, puis elle saisit la justice française afin que son fils obtienne le droit de garde. Fin janvier, le Tribunal de Grande Instance de Nice confie à celui-ci l’autorité parentale exclusive en l’absence de Yada à l’audience.
A partir de là, madame Kragt lancera une procédure civile auprès du tribunal de Chaiyaphum pour faire valoir l’autorité parentale du père. "Je sais que seule l’action pénale sur l’abduction ne va pas me ramener ma petite fille, dit-elle, c’est sur l’aspect civil que tout va se jouer."
Grand-mère confiante
Une première audience a eu lieu le 16 mai au Tribunal de Chaiyaphum pour entendre les deux parties et voir si la conciliation était possible. Là, madame Kragt a brièvement pu revoir sa petite-fille pour la première fois depuis son enlèvement. " Elle avait peur, nous dit-elle avec émotion, ils lui ont coupé les cheveux, changé son nom de famille, ils me l’ont toute changée. On se battra jusqu’au bout ! "
Aujourd’hui, la balle est donc dans le camp des juges thaïlandais qui devront décider s’il est préférable pour Yotaka de rester en Thaïlande avec sa mère ou retourner en France auprès de son père. Et pour cela Madame Kragt est confiante : « A l’audience, dit-elle, un agent de la DDAS thaïlandaise a fait un rapport sur les conditions de vie de Yotaka en France et en Thaïlande qui nous est favorable. » La prochaine audience est prévue le 6 juillet.
Pierre Queffélec (LPJ Bangkok) 30 mai 2006
— 142 jours trop tôt pour bénéficier de la Convention de La Haye
Le combat de madame Kragt pour retrouver sa petite-fille ne s’est pas limité à l’action en justice. La jeune et infatigable grand-mère, elle-même juriste, a rapidement mobilisé les medias et sollicité l’appui du gouvernement en envoyant des lettres au Premier Ministre, ou au Ministre des Affaires Etrangère…
"L’Etat français doit réagir, clame-t-elle, Yotaka est une citoyenne française kidnappée dans un pays étranger."
Les autorités françaises restent prudentes mais disent suivre l’affaire avec
la plus grande attention : " Un agent de l’Ambassade de France a assisté à l'audience du 16 mai et nous gardons un contact permanent avec Madame Kragt, nous confie un fonctionnaire proche du dossier. Mais il n’appartient pas à l’Etat de prendre parti, c’est aux tribunaux de trancher. De plus, poursuit-il, les affaires impliquant des enfants de parents de différentes nationalités relèvent des décisions de l'un et/ou l'autre des deux pays : les deux systèmes sont à égalité de valeur. Et de conclure, En aucun cas la France ne peut intervenir dans le cours de la justice d’un pays étranger".
Cela dit, l’affaire Yotaka aurait pu prendre un tour différent si les faits avaient eu lieu après l’entrée en vigueur de la Convention de La Haye entre la France et la Thaïlande en janvier 2006. Ce traité permet en effet une communication directe entre les autorités centrales des deux pays contractants et est censé garantir l’application des jugements rendus dans l’un et l’autre des deux états. Et en ce qui concerne le déplacement illicite d’un enfant, la Convention a pour objet d'assurer son retour immédiat dans l'État de sa résidence habituelle. Mais la Convention de La Haye n’est pas rétroactive, l’enlèvement a eu lieu 142 jours trop tôt… (LPJ - 30 mai 2006)
Source : http://www.lepetitjournal.com/