Cambodge - Norodom Sihamoni
Cambodge
Norodom Sihamoni
« C’était le royaume le plus puissant de la péninsule indochinoise, qui s’étendait du golfe du Siam, englobait le bas-Laos et le royaume de Pagan jusqu’à l’Annam. C’était, bien avant cela, la plus ancienne civilisation implantée sur ce territoire puisque les Khmers existaient déjà plus de deux siècles avant J.- C. Le pays était riche et les gens y étaient cultivés » (1)
Ce pays a toujours suscité des jalousies. Celles de ses voisins, notamment. D’où sa fragilité, malgré un potentiel – aujourd’hui en voie de reconstruction – économique et culturel important. Un pays où rien ne se fait comme ailleurs dans la région, où le bouddhisme du petit véhicule est prééminent depuis Jayavarman VII, où la vie politique, après vingt ans de guerres, s’organise dans la turbulence grâce à des solutions imaginatives. Un pays que les Français ont du mal à comprendre et que les plus délirants de nos commentateurs patentés considèrent comme un royaume d’opérette, rayant d’une ignare condescendance les millions de morts des guerres internes initiées par la C.I.A., puis par l’idéologie communiste.
Nul ne peut approcher le Cambodge sans s’attacher affectivement à ce pays et à ses habitants, écrit Madeleine Giteau. (2)
La fonction royale
Il aura fallu toute l’intelligence du roi Norodom Sihanouk pour que la réconciliation de 1991 ne sombre pas et pour que l’espoir subsiste encore aujourd’hui. C’est l’intelligence du nouveau roi, Sa Majesté Norodom Sihamoni, qui sera peut-être la clé dans la période d’incertitude qui s’ouvre. Les dernières élections législatives n’ont rien réglé. Les rivalités politiques, aiguisées par quelques ambitions déclarées, augurent d’une nouvelle instabilité.
Lors de la crise de l’été 1997, le charisme et la diplomatie du Roi ont été déterminants. Chacun attend aujourd’hui du nouveau souverain des qualités comparables.
Danielle Guéret nous explique que le roi, qui règne mais ne gouverne pas, symbole de l’unité nationale, est le garant de l’indépendance du pays, de son intégrité territoriale, du respect des droits et des libertés des citoyens et joue un rôle d’arbitre dans le fonctionnement des pouvoirs publics. (3)
Descendant du roi Ang Duong, du roi Norodom ou du roi Sisowath, il est désigné à vie par le Conseil de la couronne. Or, Norodom Sihamoni descend des trois dynasties par son père et la rapidité avec laquelle le Conseil l’a élu montre que cette nomination a été obtenue sans difficulté. Peut-être l’augure que l’on attend beaucoup de lui.
Nous connaissons bien le nouveau Roi, pour l’avoir souvent rencontré et pour avoir eu avec lui de nombreuses conversations, toujours passionnantes.
Né en 1953, fils de Norodom Sihanouk et de Norodom Monineath, c’est un homme de culture, comme son père. Danseur étoile, il a continué une tradition artistique familiale : un père cinéaste et musicien, une sœur danseuse…
C’est aussi un homme d’une grande finesse d’esprit, dont l’apparente humilité révèle une incontestable grandeur et la conviction d’un destin.
C’est un diplomate. Les années passées à l’Unesco où il représentait son pays et son engagement dans les instances supérieures de la francophonie ont mis en lumière ses talents de négociateur. Néanmoins, son expression s’est fortifiée ces deux dernières années. Et ses discours les plus récents ont permis de voir la métamorphose d’un prince et l’assurance d’un roi.
Comme son père, c’est un attachement véritablement charnel qui l’unit au petit peuple khmer. Durant les années passées en France, il a été sans cesse au milieu de ses compatriotes exilés dans notre pays. Mais il a toujours tourné son regard et ses préoccupations vers Phnom Penh, vers ce pays auquel il va désormais vouer l’énergie de ses prochaines années.
De son palais, face au Tonlé Sap, bras du Mékong, fleuve de vie et de légendes, il saura assurer une présence discrète, mais efficace. Et les habitants de Phnom Penh, voyant flotter l’emblème royal, sauront que le Roi est là.
S’appuyant, à l’instar de ses illustres prédécesseurs, sur la cosmologie bouddhique, il devra lui aussi montrer qu’il est çakravartin (monarque universel).
Pendant ce temps, son père, l’ex-roi Norodom Sihanouk, méditera dans sa maison de la Croisade Royale à Siemreap, d’où il avait réglé la crise de l’été 1997. Diminué par la maladie, miné par les drames qui ont ensanglanté son pays et sa propre famille, il goûtera pour la première fois à la sérénité.
Robert GESNOT
(1) Gilbert Roussel - « Indochine oubliée », Les Créations du Pélican.
(2) Madeleine Giteau, ancien conservateur du Musée de Phnom Penh, professeur émérite de l’Université Sorbonne Nouvelle.
(3) Danielle Guéret - « Le Cambodge », Éd. Kailash, prix franco : 21 €.
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Paru dans le numéro 846 du bimensuel "Royaliste", 17 rue des Petits-Champs, 75001 Paris (envoi du numéro contre un chèque de 3,20