Le Siorc isolé à quelques jours de la grande grève prévue le 3 juillet
27-06-2006
Cambodge Soir - Le Syndicat indépendant des ouvriers du royaume du Cambodge (Siorc), qui réclame une hausse du salaire minimum de 45 à 82 dollars pour les ouvriers de la confection, se retrouve isolé à quelques jours de la grande grève annoncée le 3 juillet. Après l'ambassadeur américain qui a appelé la semaine dernière les syndicats à la modération pour ne pas effrayer les acheteurs, c'est au tour de Chuon Momthol, vice-président du Comité du conseil du travail (CCT), un organisme tripartite réunissant le gouvernement, les syndicats et le patronat, d'appeler les ouvriers du royaume à ne pas faire grève et à attendre les négociations prévues en juillet sur le sujet.
Porte-parole des syndicats pro-gouvernementaux, Chuon Momthol est également représentant au sein du CCT de l'ensemble des syndicats, indépendants comme pro-gouvernementaux. Derrière lui, ce sont donc tous les syndicats du pays qui s'opposent à la grève annoncée et attendent les négociations prévues lors de la prochaine réunion du CCT le mois prochain.
Comment le Siorc s'est-il retrouvé isolé pour cette grande bataille des salaires? Après trois ans d'un lourd sommeil, le CCT n'a repris ses activités qu'il y a quelques semaines sous l'impulsion du nouveau ministre de l'Emploi Vong Soth. Le 16 juin, la vingtaine de syndicats du royaume s'étaient réunis pour élire leurs sept représentants au sein du CCT, dont Chuon Momthol, mais le Siorc avait claqué la porte et ne sera donc pas présent lors des négociations. Chea Mony, président du Siorc, justifie son refus de participer au vote par l'iniquité du processus de sélection. Selon lui, le Siorc n'aurait pu être choisi parmi les sept représentants, car Chuon Momthol, porte-parole des syndicats pro-gouvernementaux, se posait en arbitre. Selon un observateur du Bureau international du travail (BIT) présent lors dequi a assisté à la réunion, les syndicalistes présents avaient en effet fait remarquer que le vote risquait d'être biaisé en raison de la présence d'une dizaine de syndicats pro-gouvernementaux. Mais le mode de sélection aurait finalement été modifié, et le Siorc aurait donc peut-être quitté la pièce “trop vite”. Dans un communiqué adressé aux ouvriers, Chuon Momthol revient également sur le départ de Chea Mony qu'il accuse d'avoir fait preuve d'“égoïsme” et de calcul “politique”.
Quel crédit apporter aux négociations qui s'annoncent? Pour l'heure, aucun ordre du jour n'a été officiellement arrêté. Le CCT se réveille à peine d'un long coma, et la priorité est de fixer une date pour la première réunion. Mais selon Ken Loo, vice-président du Gmac, l'association des patrons de la confection, “les trois partis [syndicats, patronat, gouvernement] devraient accepter cet ordre du jour car il s'agit de questions prioritaires. C'est sûr”, assène-t-il. “Depuis trois ans nous demandons que ce Comité fonctionne, en vain. Depuis la nomination du nouveau ministre de l'Emploi [qui préside le CCT], il y a du mouvement”, se réjouit-il. Les patrons de la confection sont-ils prêts à faire un geste en faveur d'une hausse des salaires? “Nous sommes ouverts à la discussion”, précise-t-il simplement.
Ly Korm, président de la Fédération des employés du tourisme, membre du CCT, reconnaît au Siorc le droit de faire grève, mais estime qu'il vaudrait mieux épuiser d'abord tous les recours. Quant à Chea Mony, il doute franchement de l'issue des négociations à venir si elles sont pilotées par Chuon Momthol côté syndicats. Les discussions sur la hausse du salaire des ouvriers de la confection vont donc vraisemblablement s'ouvrir sans le principal syndicat ouvrier du pays, porte-voix de cette revendication depuis plusieurs années.
Leang Delux et Soren Seelow