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La folie des paris sur la Coupe du monde - Les lycéens happés par la passion du jeu


23-06-2006
Cambodge Soir - Le Japon vainqueur de l'Australie, le Ghana battu par l'Italie. Du haut de ses quatorze ans, Rotha a des convictions. Des convictions de parieur. Mauvaise pioche. Pour qu'il gagne, il aurait fallu qu'il ait vu juste sur les deux matchs. Pas de chance, le Japon s'est incliné par trois buts à zéro face à l'Australie. “Depuis le début du Mondial, j'ai perdu 10 000 riels”, confie-t-il.

Comme beaucoup de ses camarades du lycée Phasar Dœum Thkao, Rotha vit depuis le 9 juin sur la planète foot. Ou plutôt sur le tapis vert de la planète foot.

Pas loin du lycée se trouve une boutique de paris non officielle. Une table, quelques chaises, des feuilles de papier, l'endroit est sommairement équipé. Cette activité est illégale mais la boutique a pignon sur rue. C'est là qu'avec ses copains, Rotha, après les cours, vient miser quelques milliers de riels. Au milieu des autres parieurs, on les repère à peine. Ils ne portent pas l'uniforme des élèves contrairement à d'autres qui se rendent dans ces boutiques non officielles - Cambo Six n'accepte pas les moins de 18 ans - en chemise blanche. “Au lycée, la majorité des garçons ne parlent que de football”, assure Rotha.

Vuthy fait partie de la même bande que Rotha. Il a déjà perdu 10 dollars. Mais aujourd'hui, il arbore un grand sourire. Un dollar. L'Italie lui a rapporté un dollar. “J'ai parié sur l'Italie parce que cette équipe a beaucoup de joueurs de niveau international.” Vuthy n'est pas le genre à mettre son argent sur une équipe sans un minimum de réflexion. Il faut dire qu'il semble être à bonne école. En ce moment, son professeur de biologie a tendance à sortir du programme pour inculquer à ses élèves quelques notions fort utiles pour sortir les poches pleines, ou, à tout le moins pas trop fauché, de cette période à hauts risques pour les accros du jeu. “Il nous a par exemple expliqué pourquoi, pour le match d'ouverture, il fallait miser sur l'équipe organisatrice. Tous les élèves l'ont beaucoup questionné. Il a répondu qu'il était sûr de son analyse et que la meilleure preuve de cela est qu'il parierait sur l'équipe d'Allemagne”, se rappelle Vuthy. Pour miser, le jeune garçon utilise les 5 000 riels que sa mère lui donne chaque jour comme argent de poche. “Mais les enfants des riches misent jusqu'à 50 dollars, voire 100 dollars, remarque Vuthy. Ils vont même jusqu'à mettre leur moto en gage”.

Sur un bout de trottoir, tout près du lycée Sisowath, Cheng Dara, en classe de onzième, bavarde avec ses copains. Sujet de conversation : le football. Dans sa classe, assure-t-il, 20 élèves sur 30 parient. Dara fanfaronne. “J'ai beaucoup plus gagné que perdu”.

Au ministère de l'Education, on n'ignore pas que la fièvre du jeu s'est emparée des établissements scolaires. On a bien sûr repéré ces lycéens qui se rendent dans les boutiques de paris, officielles ou non. “C'est bien que les jeunes aient l'esprit sportif. Mais il ne faut pas que cela se transforme en passion pour les jeux d'argent. C'est dangereux pour leur avenir”, note Chet Chap, sous-secrétaire d'Etat au ministère. Son inquiétude : que la malchance transforme les jeunes en malfaiteurs. “Quand on gagne, pas de problème. Mais si l'on perd, on cherche à nouveau de l'argent pour se refaire. On s'adresse d'abord à ses proches et puis, si cela ne donne rien, on devient un voleur”, explique le sous-secrétaire d'Etat, assurant que le ministère allait sortir une circulaire pour expliquer aux élèves les risques des paris. Ce texte n'est pas encore prêt. Le sera-t-il avant la fin du Mondial? Et si on pariait...

Nhim Sophal