On suppose que ces phallus sont apportés par des couples auparavant sans enfants et dont les prières ont été exaucées par Chao Mae Thabthim (Photo Hervé Plichard)
CULTE - Chao Thabthim ou le phallus sacré
Saviez-vous qu’il est à Bangkok un autel où le phallus est roi ? Dissimulé dans un bosquet derrière le Swiss Hotel (ex-Hilton) l’endroit est dédié à la déesse Chao Mae Thabthim, une divinité à laquelle les thaïs viennent rendre un culte encore aujourd’hui entouré de mystère… et de dizaines de représentations phalliques de toutes tailles
On suppose que ces phallus sont apportés par des couples auparavant sans enfants et dont les prières ont été exaucées par Chao Mae Thabthim (Photo Hervé Plichard)
A l’entrée du sanctuaire, une plaque gravée explique que l’origine du culte de Chao Mae Thabthim est inconnue. Initialement consacré à la déesse supposée résider dans le Ficus exubérant, le lieu recevait en offrandes votives des guirlandes de jasmin, de l’encens et des bourgeons de lotus. Puis au fil des années sont venus s’ajouter des ex-voto beaucoup moins conventionnels : des phallus de toutes tailles. On suppose que ces emblèmes masculins ont été apportés (et continuent de l’être) par des couples auparavant sans enfants et dont les prières ont été exaucées par Chao Mae Thabthim, désormais considérée comme une déesse de la fertilité, voire de la maternité.
Ces "palad khik" (voir notre encadré) hors du commun constituent une collection hallucinante de phallus de toutes tailles, allant de quelques dizaines de centimètres à plus de deux mètres cinquante. Beaucoup sont ornés d’un cache-nez pastel soigneusement noué sous la couronne du gland. La plupart sont en bois, mais on en trouve également en pierre, en ciment et même en polystyrène.
Le rouge est la couleur dominante, car c’est bien sûr celle de l’énergie, mais il faut savoir que "thabthim" en thaï signifie ‘rubis’, symbolisant la passion amoureuse.
Propice au recueillement
Comme il n’est pas signalé dans les guides touristiques, ce site calme et retiré n’est pas très fréquenté, mais des présents (fruits, eau lustrale, fleurs, encens, bougies..) sont régulièrement déposés sur le parvis de l’élégante maison des esprits en bois de teck, gardée par deux modestes éléphants du même métal. L’atmosphère est sereine et propice au recueillement, malgré le passage des navettes fluviales et les vieux meubles entreposés non loin, en attente d’improbables réparations.
Cette ‘chapelle’ peut se visiter tous les jours sans restrictions mais pour la trouver, il vaut mieux demander au concierge de l’hôtel qui vous indiquera le chemin avec un petit sourire complice.
Raymond Vergé. (LPJ - Bangkok) vendredi 23 juin 2006
Repère géographique : domaine de Nai Lert Park, au bord du Khlong (canal) Saen Saep, sur le côté ouest de Wireless (Wittayu) Road, non loin de Phetchaburi Road. Coordonnées GPS: N13°44.987’ E100°32.791’.
Palad khik: l’amulette phalloïde
Les "palad khik", amulettes en forme de pénis en érection, semblent très proche du "lingam" (leung, en thaï classique), le phallus de Shiva vénéré dans les temples de l’Inde éternelle et qui incarne l’énergie divine et/ou symbolisant l’omniprésence du Créateur.
Le mot "palad" signifie substitut, assistant, alors que "khik" veut précisément dire phallus sculpté. On attribue aux "palad khik" toutes sortes de pouvoirs, comme celui d’augmenter la virilité et la fertilité (au sens large), ou encore celui d’assurer la protection et le bien-être matériel. Ces talismans sont parfois discrètement portés à la taille par les hommes et on en voit fréquemment de beaux spécimens dans les tiroirs-caisses des marchandes soucieuses de faire fructifier leur commerce.
Pour la plupart, ces objets ont naturellement été bénis, sinon sculptés, par des moines tout à fait respectables, dont certains sont les prestigieux dépositaires d’une tradition scrupuleusement transmise de maître à disciple.