Le Premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra à Bangkok le 27 juin 2006
mardi 27 juin 2006, 12h25
Thaïlande: les deux grands partis renvoyés dos à dos devant la justice
Par Thanaporn PROMYAMYAI
BANGKOK (AFP) - Le bureau du procureur général de Thaïlande va demander à la Cour constitutionnelle d'envisager la dissolution de la formation du Premier ministre Thaksin Shinawatra et du principal parti d'opposition à la suite de graves irrégularités commises lors des élections invalidées du 2 avril.
"Les procureurs ont décidé de soumettre les dossiers à la Cour constitutionnelle qui envisagera la dissolution des partis", a déclaré Attaphon Yaisawang, porte-parole du bureau du procureur général.
Les élections législatives anticipées du 2 avril, convoquées par un Thaksin en difficulté, avaient été remportées par son parti mais avaient été invalidées le 8 mai par la Cour constitutionnelle après un coup de semonce inhabituel du roi de Thaïlande.
La saisine de la Cour constitutionnelle fait suite à des rapports distincts émanant de la Commission électorale qui a accusé le parti de M. Thaksin, le Thai Rak Thai (TRT), d'avoir enfreint deux lois, alors que les élections étaient boycottées par l'opposition, en payant de plus petites formations pour qu'elles participent au scrutin afin de lui donner un semblant de légitimité.
De son côté, le Parti démocrate, principale formation de l'opposition, a été accusé de six violations de la loi électorale, y compris en encourageant les Thaïlandais à boycotter le scrutin. Ce boycottage sans précédent, organisé par le plus vieux parti thaïlandais, a été qualifié d'illégal.
"Les procureurs ont estimé qu'il y avait suffisamment d'éléments (dans les dossiers) pour les transférer à la Cour constitutionnelle", a souligné M. Attaphon. "Ils vont rédiger les lettres adéquates et les envoyer à la Cour constitutionnelle dès qu'elles seront prêtes", probablement d'ici une semaine, a-t-il ajouté.
Les procureurs vont également demander à la Cour de dissoudre les trois petites formations que des responsables du TRT sont accusés d'avoir payées pour les convaincre de participer au scrutin.
La Thaïlande traverse une grave crise politique depuis cinq mois. Elle n'a plus de Parlement, qui a été dissous par M. Thaksin, et de nouvelles élections n'auront pas lieu avant le 15 octobre, au plus tôt.
En février et en mars, le Premier ministre, un riche homme d'affaires de 56 ans élu en 2001, a été la cible de nombreuses manifestations organisées par les élites de Bangkok. Celles-ci l'accusaient d'abus de pouvoir et de corruption après la vente pour 1,9 milliard de dollars par sa famille de toutes les parts qu'elle détenait dans un géant des télécoms qu'il avait fondé avant de se lancer dans la politique.
Au lendemain du scrutin controversé, M. Thaksin s'était mis en congé pendant sept semaines et avait fait son grand retour politique peu avant la célébration en grande pompe du 60e anniversaire de l'accession au trône du roi Bhumibol Adulyadej (78 ans).
Celui-ci a joué un rôle-clef pour tenter de sortir son pays de la crise. Fin avril, il avait admonesté les représentants du pouvoir judiciaire en leur demandant d'entrer en action ou de se démettre. Les élections avaient été invalidées.
Les deux partis aujourd'hui menacés de dissolution n'ont pas tardé à réagir. Le TRT "n'a rien fait de mal", a affirmé Kudeb Saikrachang, chargé des questions juridiques au sein de la formation de M. Thaksin. "Pour dissoudre le parti, il doit apparaître clairement que la violation a été ordonnée ou soutenue par une décision du leader", ce qui n'est pas le cas, a-t-il dit. "Nous n'avons commis aucune faute", a dit pour sa part le porte-parole démocrate Ong-art Klampaiboon en s'étonnant que le bureau du procureur général ait agi aussi rapidement, moins de 24 heures après avoir été saisie par la Commission électorale.