Le projet d'une conscription partielle fait son chemin
17-07-2006
Cambodge Soir - Le projet de loi instituant un service militaire obligatoire a fait l’objet de nouvelles discussions vendredi matin, entre la commission de la défense de l’Assemblée nationale et le ministère de la Défense. Hak Sa Vuth, secrétaire d'Etat à la Défense, a précisé devant la commission que ce projet de loi, divisé en 6 chapitres et 16 articles, impose chaque année à 5 000-10 000 jeunes, âgés de 18 à 30 ans, de se mettre au service de l’armée pour une durée 18 mois. Leur sélection s’effectuera par tirage au sort, tandis que les filles devront se porter volontaires si elles désirent faire leur service. Des reports seront cependant possibles, notamment pour les meilleurs élèves, les étudiants prêts à passer des examens, ceux qui ont reçu une bourse pour aller étudier à l'étranger ou encore tout jeune homme ayant à charge une famille
Le secrétaire d’Etat rappelle qu’une telle disposition existe déjà dans plusieurs pays, et qu’elle vise à renforcer les effectifs des forces armées pour que le pays se tienne prêt dans le cas d’un conflit inattendu. “Même dans un tout petit Etat comme Singapour, une telle loi est en vigueur”, relève-t-il. Hak Sa Vuth ajoute comme autre argument le fait que dans quelques mois, environ 18 000 militaires partiront en retraite, soulignant qu’il faudra les remplacer par de nouvelles recrues.
Peut-être rassuré par cette démonstration, Yim Sovann, président PSR de cette commission, qui avait exprimé des inquiétudes sur l'impact de ce projet de loi sur la vie des habitants ainsi que sur le budget de l'Etat, semble avoir adouci sa position. “Je pense que si cette obligation ne concerne qu’un petit nombre chaque année, alors cela ne posera pas de problème car, selon le rapport du ministère du Plan, le nombre d’habitants âgés entre 20 et 30 ans s’élève à plus de 2 millions”, remarque-t-il. Le président de commission a cependant appelé à ce que le programme de démobilisation des militaires soit complètement achevé avant que cette loi n’entre en vigueur. “Actuellement, les forces armées du pays sont fortes de 100 000 hommes dont 40 000 ont soit atteint l’âge de la retraite, soit sont handicapés, ou encore sont décédés, mais les listes n'ont pas été mises à jour. Il y a donc besoin d’un budget permettant d’aider ces personnes à retourner à la vie civile”, estime-t-il. Sur ce point, le député redoute que le budget de l’Etat ne soit trop lourdement grevé par l’arrivée
de nouvelles recrues et la corruption qui risque d’entacher la procédure quand seront tirés au sort des fils de riches ou de puissants qui pourront aisément échapper à la conscription.
Kosal, un étudiant en droit de 25 ans, ne voit pas d’un bon œil cette loi. Il estime que les membres de l’armée sont souvent maltraités, gratifiés d’un salaire très bas, et vivant au final dans des conditions difficiles. “Et l'entraînement sportif auquel ils sont soumis est très dur : ils reçoivent des coups de leurs instructeurs. Si mon nom est tiré au sort, cela va être la grande panique!”, redoute-t-il à l’avance, disant ne pas se faire d’illusions sur les inégalités qui apparaîtront au moment de l’enrôlement. “Je crois franchement que ce sont les pauvres qui seront recrutés, tandis qu’on laissera tranquille les enfants de riches...”, ajoute-t-il.
Satia, un employé d’une ONG de 23 ans, tend à soutenir l’initiative. “Une expérience de la sorte nous apprendra à devenir plus fort physiquement, à nous adapter aux règlements stricts et à bien nous comporter”, veut-il croire, suggérant qu’une réduction de ce service à quelques mois seulement perturberait moins les études ou la vie professionnelle des recrues. “Un contrat devra être passé avec l’éducation ou avec l’établissement pour lequel on travaille afin d’avoir la garantie que l’on puisse soit reprendre ses études là où on les a arrêtées, soit récupérer son poste à la fin de son service militaire.”
Ce projet de loi n’a pas fini de faire parler de lui. Yim Sovann a annoncé qu'une table ronde ou un forum devait être organisé afin de consulter les citoyens sur cette question.
Ung Chansophea