Thomico ne prend pas la tête d'un parti, mais d'une "alliance nationale"
28-07-2006
Cambodge Soir - Les observateurs attendaient avec curiosité le lancement officiel de la nouvelle formation politique du prince Thomico Sisowath, initialement prévu lundi. Mais c’est finalement une “alliance nationale” de petits partis qui a été annoncée en grande pompe jeudi à Oudong. Thomico Sisowath, qui a été nommé jeudi délégué général de l’alliance, a expliqué ce changement de stratégie par le fait qu’il n’était pas encore parvenu à réunir suffisamment de partis pour créer dès aujourd’hui une véritable formation politique. Il a néanmoins assuré que cette alliance se transformerait à terme en un véritale parti, et ce “avant les élections communales de 2007”.
“Nous avons rassemblé six partis, dont un a finalement décidé de nous quitter. Ce n’est pas encore assez, et j’ai décidé de laisser le temps de la réflexion à ceux qui sont susceptibles de nous rejoindre. Une alliance permet de discuter plus facilement des structures et du programme. Je ne veux rien imposer. Cela correspond d’ailleurs à l’idéal du Sangkum Reastr Niyum qui avait dans un premier temps fédéré des petits partis”, a expliqué le prince Thomico peu après la conférence de presse.
Après une cérémonie religieuse devant le grand stupa du roi Ang Duong, qui régna à l’époque où Oudong était la capitale impériale, les dirigeants de quatre formations politiques et le prince Thomico sont descendus au pied de la colline pour lancer officiellement leur nouvelle alliance intitulée “Sangkum Cheat Niyum” (littéralement “société nationalisme”) en référence au Sangkum Reastr Niyum créé en mai 1955 par Norodom Sihanouk. Le lieu retenu pour la cérémonie et le nom de l’alliance venant rappeler l’attachement du Sangkum Cheat Niyum à la monarchie.
A la tribune, les représentants des quatre partis qui ont officiellement rejoint l’alliance (le Front du sauvetage du peuple khmer de Son Soubert, le Parti de l’unité khmère de Khieu Rada, Moha Nokor de Sem Sambath et le Parti du front khmer de Suth Dina) ont chacun leur tour justifié leur démarche par l’état désastreux dans lequel se trouve selon eux le Cambodge. Ils ont ensuite été rejoints par le président d’un cinquième parti, le Parti du développement national, qui leur a apporté son soutien. Selon le communiqué détaillant ses objectifs, l’alliance entend défendre la souveraineté et l’intégrité territoriale, modifier en profondeur la façon de diriger le pays, soutenir la monarchie, respecter les Accords de Paris et les traités internationaux, suivre la devise de Jayavarman VII selon laquelle “le malheur du peuple fait le malheur du roi” et enfin se transformer en parti politique.
Sisowath Thomico a ensuite invité les partis qui hésiteraient encore à le rejoindre à mettre un pied dans l’alliance en qualité d’observateurs pour se faire une opinion. Il a brièvement évoqué la décision du Power people party, officiellement déçu par le fait que le prince ait revu ses ambitions à la baisse, de ne pas rejoindre l’alliance. Il a enfin répondu, plus longuement, aux piques que lui a lancées ces dernières semaines Norodom Sihanouk dans différents messages. Tout d’abord, le prince précise qu’il n’a aucunement l’intention de “ressusciter” le Sangkum Reastr Niyum, “déjà mort” selon le roi-père, mais qu’il veut s’en servir comme d’une “boussole”. Ensuite, interrogé sur les quelque 600 dollars que Norodom Sihanouk a indiqué lui verser chaque mois en précisant que c’était un peu maigre pour se lancer en politique, Sisowath Thomico a rétorqué que la création d’un parti dépendait moins des fonds que de la volonté. “Quand Norodom Sihanouk était prince dans les années 80, il n’avait pas beaucoup d’argent, pas plus que le PSR en 1995”, a-t-il rappelé.
Sam Rainsy, justement, dont la formation n’est plus aujourd’hui un petit parti, a souhaité “bonne chance” à ce nouvel attelage politique. Il a ensuite une nouvelle fois critiqué, “sans viser personne en particulier”, la multiplication des petites formations politiques, ces “lucioles” qui apparaissent à la veille des élections pour ensuite disparaître pendant cinq ans. Craint-il pour autant un éventuel émiettement des voix de l’opposition avec la création du Sangkum Cheat Niyum? “Je les respecte, mais en termes de voix, les petits partis ne ramassent pas grand-chose. C’est plus folklorique qu’autre chose. S’agissant de l’initiative du prince Thomico, je réserve mon jugement. Mais je me souviens que le parti du prince Chakrapong, pourtant frère du roi, n’avait pas récolté le moindre siège, pas même un dossier, pas un pied”. Sam Rainsy reconnaît en tout cas au moins une vertu au futur parti de Thomico Sisowath : “Il peut porter le coup de grâce au Funcinpec. Mais bon, porter le coup de grâce à un mourant, ce n’est pas très glorieux”. Se sent-il frustré d’être ainsi privé de la mise à mort annoncée de son meilleur ennemi politique? “Non, non. Je respecte les principes de la Croix-rouge, moi”.
Leang Delux et Soren Seelow
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