Du phénomène des petits partis créés et présidés par des Khméro-Américains
01-08-2006
Cambodge Soir - A la veille des grands scrutins qui ponctuent la vie politique du royaume, une nuée de petits partis font leur apparition puis disparaissent aussitôt les résultats proclamés et leur défaite reconnue. Cette année ne fait pas exception à la règle, à cette nuance près que deux nouveaux partis “kméro-américains” sont coup sur coup entrés dans la course : United people of Cambodia et le Parti de la nation khmère. Des formations toutes deux menées par des Cambodgiens domiciliés en Californie, à Long Beach, qui concentre la plus grosse communauté de Cambodgiens aux Etats-Unis. Leur candidature annoncée aux prochaines élections est inattendue mais ne surprend guère la classe politique.
“Tout le monde est bienvenu!”, s’exclame Khieu Kanharith, ministre de l’Information. “Mais je distingue deux raisons qui ont pu motiver les fondateurs de ces partis : premièrement, c’est le moyen pour eux d’accéder à une certaine célébrité, deuxièmement, il est facile ainsi de gagner de l’argent. Aux Etats-Unis, dès qu’il s’agit d’aller défendre les valeurs démocratiques ailleurs, on peut obtenir des soutiens financiers, de l’argent qui n’est en plus pas imposable la plupart du temps. J’imagine qu’en expliquant que la démocratie fait défaut au Cambodge et que les droits de l’Homme ne sont pas respectés, il est aisé de trouver des sponsors.” Après, ajoute le ministre, comme les autres petits partis qui surgissent à la veille d’élections, “ils viennent, participent au scrutin, et quand ils ont perdu, font leurs valises et retournent chez eux”.
Sam Rainsy, président du PSR, estime qu’une multiplication des partis ne fait qu’embrouiller l’électeur. “Au moment de cocher la case du parti à qui il veut donner sa voix, l’électeur peut se tromper si les choix qui lui sont proposés sont trop nombreux”, fait-il valoir. Au bout du compte, déplore-t-il, ce sont des voix que perdent les grands partis. Et l’implication de Khméro-Américains dans le processus électoral n’est, selon lui, pas nouvelle. “Lors des dernières législatives, un Cambodgien des Etats-Unis m’a affirmé avoir reçu de l’argent des mains du PPC pour entretenir dix petits partis au Cambodge. Et après leur échec, ils disparaissent et de nouveaux sont créés. C’est une tactique pour pousser les électeurs à se tromper.”
Kul Panha, à la tête de l’organisation d’observation électorale Comfrel, affirme, de mémoire, que trois ou quatre partis dirigés par des Khméro-Américains s’étaient déjà présentés aux dernières législatives, soulignant que certains de leurs dirigeants étaient depuis rentrés aux Etats-Unis. Il juge leur participation inutile, “le système de répartition des voix entre les partis retenu au Cambodge étant défavorable aux petites formations”.
Les intéressés, eux, veulent y croire. S’il est difficile de joindre les représentants d’United People of Cambodia, qui ne donnent que des coordonnées... aux Etats-Unis, le président du Parti de la nation khmère se montre accessible et toujours prêt à clamer que son seul objectif est de rafler la victoire aux grands partis aux prochaines élections. Thong Sovannara explique que son parti, créé il y a près d’un an aux Etats-Unis, a pour ambition de répondre aux attentes de ses concitoyens au Cambodge, même si la poignée de membres fondateurs est restée aux Etats-Unis. “Nous nous sommes aperçu que les Cambodgiens d’aujourd’hui ont soif de justice sociale, de sécurité et de démocratie. Voilà comment est née l’idée de créer ce parti. Depuis, on a rassemblé déjà 400 000 adhérents répartis dans 16 provinces et districts, qui occupent pour l’essentiel des professions intellectuelles”, assure-t-il, ajoutant vouloir retenir comme thèmes de campagne la question foncière, le respect du Code du travail ou encore la lutte contre la corruption.
Thong Sovannara assure ne recevoir le soutien d’aucun autre parti et que son Parti de la nation khmère relève d’une initiative individuelle. “Nous pouvons fonctionner grâce aux dons des militants aux Etats-Unis et au Cambodge. Notre objectif n’est pas de nous allier à d’autres mais de gagner seuls aux élections. Et nous comptons déjà participer aux communales de 2007”, affirme le président désigné en congrès il y a une semaine, qui se dit optimiste sur le soutien croissant que lui accorde la population. “Les Cambodgiens sont fatigués des querelles persistantes qui empoisonnent la vie politique”, relève-t-il. Pourtant, samedi, un ancien membre de la formation, Sim Sitha, a donné une conférence de presse pour dénoncer Thong Sovannara qu’il qualifie d’imposteur. “Moi, j’ai été élu en congrès. Il ne peut donc revendiquer la présidence comme il le fait. De toute façon, il avait été radié du parti après avoir commis une faute. S’il veut prendre la tête du parti, c’est qu’il a besoin d’argent pour se marier.” L’intéressé rétorque qu’il fait de la politique depuis 23 ans, et qu’il a été un assistant du cabinet du prince Ranariddh en 1993. “Thong Sovanna est un novice en politique. Dans la vie, il est vendeur de cassettes et CD. Le congrès qui l’a élu était illégal, et viole les statuts du parti tels que nous les avons déposés au ministère de l’Intérieur”, argue de son côté Sim Sitha. Une chose est sûre, à peine entré sur scène, le Parti de la nation khmère fait déjà parler de lui.
Ros Dina
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