Le Cambodge est dans de beaux draps
Commerce du textile · Le 1er janvier 2005, avec la fin des quotas dans le commerce du textile et du vêtement, certains pays avantagés devront faire face à l'offensive de la Chine.
L'industrie textile, la plus florissante du Cambodge, est menacée par la disparition programmée des quotas d'importation aux Etats-Unis. Les ouvrières s'inquiètent mais restent impuissantes. Les patrons, de leur côté, en profitent pour imposer leurs conditions. Un souci de plus pour ce petit royaume qui a déjà dû se soumettre à des clauses draconiennes pour être accepté au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Il s'agit ici des «accords multifibres» - signés en 1999, ils font figure d'exception au sein des accords de l'OMC - qui protègent les pays du Nord contre les importations abusives. Ces accords prévoient des quotas d'exportation pour les PMA (pays mons avancés), dont fait partie le Cambodge. Mais cet avantage prendra fin en 2005, avec la fin des «accords multifibres». Dès l'année prochaine donc, le pays entrera, comme les autres, dans la grande «bataille» libérale.
Depuis 1999, le montant des exportations textiles au Cambodge est passé de 355 millions de dollars pour 80 000 emplois à 1,5 milliard de dollars pour 250 000 emplois. Cette croissance vient de la délocalisation des sociétés coréennes, taïwanaises et chinoises venues profiter des quotas auxquels a droit le pays. Autre raison: la pression des consommateurs du Nord pour les améliorations des conditions de travail.
Le Cambodge, en effet, avec ses droits syndicaux et de grève, bénéficie d'une image positive (contrairement au Vietnam et à la Chine) en ce qui concerne le traitement des travailleurs. Et cela bien que des assassinats de plusieurs leaders syndicaux aient défrayé la chronique locale ces derniers mois.
Rumeurs de fermeture
Mais les rumeurs de fermeture d'usines commencent à courir parmi les travailleurs du royaume... «Nous ne voulons pas retrouver la misère des rizières. Car même si notre salaire est faible, il nous permet de faire vivre notre famille», explique Kéo, l'une des innombrables ouvrières qui a déserté les rizières pour la ville. Dans ce pays à 80% agricole, les textiles représentent aujourd'hui 93% des exportations totales du royaume et sont destinés au marché américain pour près de 70%. Comme nombre de ses collègues, Kéo redoute que les entreprises de confection délocalisent leurs unités de production après la disparition des quotas passés avec les Etats-Unis.
Kong Sang, vice-président de l'Association des usines textiles, assure de son côté qu'aucune décision de fermeture n'a encore été arrêtée. Bien au contraire, précise-t-il, puisque pas moins de trente nouvelles usines de confection coréennes, taïwanaises et hongkongaises se sont implantées au Cambodge cette année. Certes, la disparition des quotas pourrait inciter des entreprises à se délocaliser vers des pays à la technologie plus avancée, surtout en Chine et au Vietnam où se trouve la matière première et où le droit de grève est interdit.
Mais les entrepreneurs, assure-t-il, tiennent à rester au Cambodge afin de profiter d'une main-d'oeuvre bon marché. Il n'en reste pas moins que cette menace sur l'industrie textile cambodgienne est l'occasion rêvée pour les employeurs d'imposer leurs conditions.
Kong Sang demande ainsi sans détour aux syndicats de renoncer à toute augmentation des salaires et de ne pas retarder la production par des mouvements sociaux. «On restera si les ouvrières ne réclament pas d'augmentation et si tout le monde respecte le droit du travail», explique-t-il avant de demander au gouvernement de ne pas prélever de taxes à l'exportation.
Améliorations malgré tout
Malgré tout, les conditions de travail tendent à s'améliorer dans certaines usines. Et le droit des ouvrières est mieux respecté que dans les pays voisins. De plus, même si le salaire (environ 45 dollars par mois) reste nettement inférieur aux pays voisins, la plupart des grandes usines paient régulièrement les employés. Et les heures supplémentaires ne sont pas obligatoires. D'après les mouvements syndicaux, de nombreuses ouvrières risqueront de perdre leur travail lorsque le Cambodge ne bénéficiera plus des quotas avec les Etats-Unis et entrera dans l'arène de l'OMC. Seul atout: la main-d'oeuvre bon marché.
Du côté des autorités, on se veut rassurant. Les nouvelles mesures du gouvernement - allégement des procédures administratives et création de zones franches - visent à attirer les investisseurs étrangers, assure- t-on. Mais, pour cela, la qualité des produits proposés à l'exportation doit rester impeccable.
Infosud-Syfia