Le feuilleton Heng Pœuv tient en haleine les phnompenhois
22-08-2006
Cambodge Soir - Les déboires de l’ancien chef de police de Phnom Penh fait les choux gras de la presse. L’histoire passionne la capitale au point que le premier quotidien national, le Rasmey Kampuchea, reçoit des coups de fil de diffuseurs et lecteurs à l’heure du bouclage pour s’informer si l’édition du lendemain comprendra un article sur Heng Pœuv. “On nous appelle avant que cela ne parte à l’impression pour nous demander d’augmenter le tirage s’il y a du Heng Pœuv dans le prochain numéro. Normalement on tire à 15 000 exemplaires mais on peut aller jusqu’à 20 000 ces temps-ci”, précise Teav Sarak Mony, le rédacteur en chef adjoint du titre pro-gouvernemental.
Les rebondissements dans l’affaire font vendre de la copie, une opportunité dont chacun se saisit sans hésiter. Les éditions dominicales de La Voix de la jeunesse khmère (Samleng Yuvachoun khmer), royaliste, et de Aimer les Khmers (Srôlanh Khmer), proche de l’opposition, consacraient encore leurs gros titres au sujet. Le premier titre a mis en Une le portrait du chef de la police nationale Hok Lundy dont le regard semble se porter sur les trois photos qui jouxtent la sienne et représentent Chea Vichea, Piseth Pilika et Ho Sok. Trois personnalités publiques assassinées, selon les dires de Heng Pœuv, sur ordre de Hok Lundy. Le journal a traduit intégralement en khmer l’entretien que le policier réfugié à Singapour a accordé à l’hebdomadaire français L’Express, présenté sous le titre : “Heng Pœuv déclare au monde entier qu’il osera révéler devant un tribunal les dessous des grands crimes commis au Cambodge”. Quant au deuxième journal, il offre à ses lecteurs une traduction en khmer du témoignage, rédigé en anglais et attribué à Heng Pœuv, dans lequel ce dernier fait de grandes révélations de la même teneur que celles publiées dans L’Express. Srôlanh Khmer a préféré choisir comme photo la couverture faite par L’Express sur la mort de Piseth Pilika, ainsi que le portrait de Hok Lundy.
Le journal pro-gouvernemental Chakraval est allé en toute logique à contresens en choisissant de publier le portrait de Heng Pœuv vêtu de son uniforme de général deux étoiles surhaussé du titre : “Les accusations portées par Heng Pœuv n’ont pas de poids”.
En attendant le prochain épisode de ce qui est en passe de devenir une saga, les cafés continuent de bruire des dernières rumeurs et spéculations sur le sujet. Heng Pœuv volerait même la vedette au prince Ranariddh, de retour jeudi dans le royaume après cinq mois d’absence. “Avant, dans le quartier, on ne connaissait pas vraiment Heng Pœuv. On en parle aujourd’hui beaucoup, cela nous intéresse d’ailleurs plus que le retour de Norodom Ranariddh. On se demande vraiment où il se trouve à l’heure actuelle et pourquoi il a été interviewé... ”, confie Sun Heng, un commerçant.
Chacun y va de ses hypothèses. Meng, un professeur, assure que Heng Pœuv n’a aucune chance d’échapper aux autorités cambodgiennes. “Je pense de toute façon qu’il est seulement une pièce parmi d’autres sur l'échiquier. Les vrais responsables sont à chercher ailleurs, bien plus haut. Certains disent qu’il aurait déjà été tué. En tout cas, chaque jour j’épluche la presse et j’écoute avec attention la radio.”
Pour Chan Chheang, un électricien, c’est le sujet de prédilection au café qu’il a l’habitude de fréquenter. “Jusque-là, j’avais juste entendu son nom, c’est tout. Certains qui en savent plus que moi disent qu’il ne fait aucun doute qu’il est responsable des crimes qui lui sont reprochés. Ils parlent de sa cruauté, de ses stocks d’armes, de sa polygamie, des propriétés en pagaille qu’il possède... c’est un vrai corrompu celui-là!”
Kong Sothanarith
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