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 Faisons un rêve : L'uniforme à l'école

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Thaïlande - Cambodge
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MessageSujet: Faisons un rêve : L'uniforme à l'école   Faisons un rêve : L'uniforme à l'école EmptyMer 23 Aoû - 8:29

Faisons un rêve : L'uniforme à l'école Titre_5439


Faisons un rêve : L'uniforme à l'école


par Daniel Faivre, revue Medium, numéro 8, juillet-août-septembre 2006
Un témoignage sur le vif, doublé d'une proposition aussi pertinente qu'impertinente. À l'occasion d'un jumelage avec un lycée cambodgien, un professeur de Courbevoie découvre le fossé des mentalités, entre deux jeunesse de même génération, notamment autour de l'uniforme scolaire. Et si on osait...



La seule réaction qui fait l'unanimité des adultes de la chaîne éducative - profs, administration, parents- c'est une même réprobation du « look » des élèves. Cette foire aux marques, cette surenchère dans la provocation - haut des slips, des strings (à quand le bas ?). Seins à demi dévoilés, aux trois quarts (à quand la nudité ?). Tatouages et anneaux un peu partout - sont dommageables au travail mais aussi à l'égalité sociale. Le fric est roi. Il se voit. 0n l'exhibe. Kookaï, Nike. Arrêtons-nous simplement sur les baskets. Les stars du rap américain - donc les nôtres - ont des pièces entières qui alignent leurs baskets préférées, dont ils arborent fièrement les marques (ils sont souvent intéressés commercialement !) Jamais une mode n'a été aussi friquée que celle du rap. Cinquante cents, idole actuelle du rap américain, ancien repris de justice, fanfaronne devant un Canal+ béat d'admiration : « La liberté, c'est le fric. » Son dernier clip : voitures de luxe, Monaco, etc. Son dernier film : Réussir ou Mourir... Et avec l'argent, la jalousie, l'envie, l'excitation névrosée. La violence crapuleuse, le racket, la vente de drogues. Ce même fric qui génère une sexualité hystérique, frustrante, souvent placardée en pubs pour parfums, pour lingerie, pour films... Ce même fric qui mesure la valeur de toute chose, des corps, des allures. En Occident.

J'ai participé à un jumelage scolaire entre le Lycée Paul Lapie de Courbevoie et le Lycée Sissowath à Phnom Penh. Il y eut échange d'un petit film : quelques cours filmés et les sorties des lycées. De plus, filmées également, les réactions des élèves, ici et là-bas. La comparaison était confondante : au Cambodge, les visages étaient joyeux, rieurs et les uniformes simples (pantalons et jupes bleu marine, chemises et chemisiers blancs) ajoutaient encore à cette impression de bonheur d'apprendre et de vivre. Les visages fermés, aux expressions désabusées, les allures traînantes, comme dégoûtées, le corps avachi, l'écoute ironique ou indifférente et enfin, pour couronner le tout (il est vrai qu'en France c'était l'hiver), vêtements unisexes, pantalon blouson, noir en majorité, tout laissait à penser aux Cambodgiens qu'un drame profond frappait la France! Eh bien, oui... la « modernité », issue de la fameuse révolution des moeurs, allie à la fois, à l'école, un égalitarisme sexuel moralisateur et misandre et un laisser-aller disciplinaire (encore un mot interdit !), ainsi que vestimentaire. Rien d'heureux dans les visages, les allures, les paroles. Mais une névrose agressive qui court. Oui, un drame profond frappe les écoles en France. Certains de nos jeunes Courbevoisiens souriaient même avec condescendance de la naïveté, de la simplicité - être heureux d'aller à l'école! - de la « ringardise » des élèves cambodgiens. L'arrogance branchée se niche aussi dans ces coins-là. Qu'est-ce que le « jeune de banlieue » - marque déposée Canal+ ! - avec son MP3 et ses Nike a à voir avec les bouffons déguisés de Phnom Penh ?

Arrêtons-nous un instant sur cette réaction de supériorité. En fait, j'observai chez nos lycéens une sorte de rejet gêné. À l'évidence, la joie, les rires des jeunes Cambodgiens étaient à leurs yeux ridicules, ringards. Mais leur beauté éclatait. Celle des filles surtout, bien « prises » dans leurs uniformes. Une de nos élèves m'en fit la remarque, en aparté bien sûr. Sans doute enviait-elle le port naturel de la petite jupe bleu marine et sentait-elle le désir des garçons de sa classe. Qu'avait-elle, elle, pour afficher sa féminité ? Surtout pas la jupe !
« On prend des mains », « 0n passe pour une pute ». Alors, parce que le désir d'être fille est trop fort, on baisse le pantalon sous le nombril, on exhibe sa culotte et on ôte son sous-tif sous le T-shirt. Bref on hystérise, on vicie un peu plus les rapports. Combien de fois ai-je évité d'envoyer au tableau une fille ainsi accoutrée tant sa culotte dépassait de son pantalon taille ultra-basse ?

Pendant la projection, on aurait tellement voulu, ma collègue du jumelage et moi, que nos Courbevoisiens soient séduits par leurs camarades cambodgiens, soient sensibles à leur joie d'être à l'école, quitte à critiquer la nôtre. Mais leur réaction dominante était bien de supériorité et de pitié mêlées.

À ce souci narcissique de paraître, de provoquer - notons l'équivalence du nombril exhibé chez les filles et du muscle chez les garçons avec, sur ce point de séduction, dans le désormais célèbre Black-Blanc-Beur, l'infériorité du second - il faut ajouter les gadgets et les nouvelles technologies. Qui n'a pas son portable ou son MP3 dernier cri, histoire de se couper davantage, de se singulariser ? Sur- ce point, la mondialisation bat son plein et notre collégien est américanisé, japonisé ou sinisé! En parfaite harmonie avec ses Nike made in Thaïland. Effectivement, au Lycée Paul Lapie on est loin du Lycée Sissowath.

Ce fossé est bien culturel et non géographique : j'ai également participé à un autre jumelage entre le collège Pierre-Poivre de l'Ile Maurice (tous en uniforme bleu ciel et blanc, bermudas et cols marins) et un collège de Saint Louis-de-la-Réunion. L'arrivée de ces collégiens réunionnais, donc français, « frères » en attitudes, vêtements, allures, de nos Courbevoisiens, ne pouvait que choquer profondément élèves et professeurs mauriciens. Agités, bruyants, incivils, nos Réunionnais manifestaient une suffisance blasée et méprisante à l'égard des « bouffons » mauriciens. Supériorité, en quoi ?

Supériorité du fric. Et si le mépris affiché pour l'uniforme exprimait au fond une trouille panique ? Ne plus pouvoir se distinguer, se singulariser, se montrer « classe », « beau gosse ». « T'as vu la meuf ? C'est Shakira... ». Parce qu'en matière de provocation sexuelle, les marques et les modes, c'est mieux que l'uniforme ! Sur ce point précis, il faut noter le jeu malsain des filles. Je n'ai connu dans toute ma carrière qu'une seule principale qui, placée au pied de l'escalier central, interdisait à certaines filles l'accès à la classe. « Mademoiselle, cachez ce sein... ce nombril... cette culotte... ce string... allez vous démaquiller... »

En ce sens, l'entreprise de moralisation boy-scout et féministe a échoué. La meuf canon qui fait autant de mal au collège que le keum barbare - c'est-à-dire qui rayonne! - est celle qui se rapproche le plus des pubs ou des clips.

Dictature des marques, des tubes, de tout ce jeunisme qui rapporte. Et puis on se donne un genre, une appartenance : rap, rasta, punk, fumette, etc. Bref, on se distingue.

Si l'uniforme scolaire a été créé par un souci démocratique de justice sociale, il permettrait aujourd'hui, en plus, de lutter contre cette mentalité. Constatons d'ailleurs que dans le monde, l'uniforme pour les élèves est la règle majoritaire : Asie, mais aussi Afrique, une grande partie du monde anglo-saxon…Il est sans doute bon pour des civilisations pourtant bien différentes, de communautariser ainsi sa jeunesse par rapport à l'école, et à rien d'autre. En même temps que pédagogique, il s'agit d'une œuvre morale. Pour nous, il faut y prendre garde, d'autres communautés, d'autres uniformes attirent.

L'avantage du nôtre, c'est qu'il fait disparaître toutes ces appartenances communautaires lourdes. Tout au long de l'apprentissage - écoles, collège, lycée – tous égaux et tous Français. L'uniforme est beaucoup plus qu'une apparence, c'est une appartenance fièrement portée à un pays. Un même pays. Que l'on soit du quartier latin, du Vésinet, de Bobigny, de Nanterre ou de la campagne – que l'on soit d'origine maghrébine, africaine ou autres. Que l'on soit pauvre, modeste ou riche (soif de justice sociale, « révolutionnaire », à l'origine de la création de l'uniforme) – en allant à l'école, on est avant tout, une Française et un Français comme les autres. Il ne s'agit évidemment pas d'être agressivement nationaliste. De la même manière qu'une réelle autorité peut être bienveillante, la fierté d'être Français sera amicale, ouverte aux autres. C'est la grande leçon des jumelages scolaires.

Tout au long de ces dernières décennies nous avons diffusé – nous, notre génération et celles qui nous suivent – un mépris plus ou moins prononcé pour notre pays, la France. Jusqu'à éviter de prononcer son nom. Combien de fois entendons-nous sur les ondes « dans ce pays ». Pire : « dans c'pays » et non « en France ». Cela nous épargne un « chez nous » jugé d'extrême droite ou simplement ridicule et nous éloigne par l'emploi du démonstratif d'une terre dépréciée. Toujours cette peur traumatique du nationalisme, de l'autoritarisme qui façonne notre idéologie, qui finalement nous leurre et endort notre vigilance sur le plan social à propos duquel on s'accommode de violences polymorphes.

Notre terre-mère, la France, n'est revendiquée tous les quatre ans qu'en football pendant la coupe du Monde, et aux jeux olympiques. Souvent, même avec chauvinisme…Il faut entendre le patriotisme forcené de TF1 et Canal+. Cette fierté d'être Français est névrosée, superficielle et belliqueuse.

Mais en dehors de ces « grands moments », être Français est aussi mal porté dans le cinquième arrondissement que dans le 93. Plus agressivement ici, là, avec plus d'indifférence dédaigneuse. Et cette « posture » procède directement de l'exemple désabusé et négatif que nous avons donné aux nouvelles générations.

Même les Cambodgiens d'aujourd'hui, qui sortent pourtant tout juste d'un fascisme épouvantable « Khmer Rouge », sont plus joyeusement fiers de leur pays. Nous, nous portons le diable en terre ! Notre passé ne serait que colonial, esclavagiste, vichyste…Pourquoi ne pourrait-on pas être fiers sans excès, sans morgue ? En quelque sorte, avec mesure, fraternellement ? L'uniforme scolaire n'est pas militaire. En même temps qu'il francise la jeunesse, il égalise en masquant les différences, les disparités. Chacun à l'école est égal à l'autre. Frère ou sœur. Égal dans l'apprentissage, dans le travail scolaire. C'est un bon début pour déjouer les discriminations de toutes sortes, et pas seulement raciales mais sociales et sexistes. Et puis, l'uniforme n'est pas forcément uniforme. Il faut donner libre cours aux imaginations locales, régionales, ou bien des élèves eux-mêmes. À Postdam, actuellement, une école teste avec un succès spectaculaire le port du vêtement scolaire unique pour « contribuer à la solution des conflits ». « L'identification avec l'école crée inconsciemment un comportement plus social », constate Gudrun Wurzler, la directrice de cette école où les élèves étrangers sont de dix-neuf nationalités différentes. Parents, enseignants et enfants ont choisi les modèles et les couleurs, l'écusson de l'école a été conçu par les élèves eux-mêmes.

Que l'on songe aux emplois durables ainsi créés, à l'économie scandée chaque année par une nouvelle rentrée de septembre…Faisons un rêve : rien n'empêche tel collège jumelé, parallèlement, de commercer équitablement avec une entreprise qui respecterait les droits du travail (horaires, âges et salaires). Un exemple : une école française jumelée avec une Cambodgienne, à Siem Reap, qui se ferait confectionner ses uniformes par Samatoa, une coopérative équitable de couturières (ainsi sauvées des dangers de la prostitution). Et cela, sans attendre un avenir hypothétique où la mondialisation s'humaniserait. J'entends déjà les esprits acrimonieux et pusillanimes s'offusquer : « L'uniforme ? Vous n'y pensez pas ! On n'est pas à l'armée… »

Une remarque à ce sujet : qui se plaint aujourd'hui des patrouilles militaires dans les gares, les aéroports, le métro ? En tout cas, pas la population. Peut-être ce vieil anarchisme ou ce vieux trotskisme bourgeois, passif et complaisant, devant la montée des communautarismes, des haines, fermant les yeux devant les incivilités quotidiennes. Il attend « que la société pourrisse », pour reprendre Jean Genet, confortablement installé dans son fauteuil télé et sa pensée unique, Télérama ou Libé sur les genoux, guettant aux infos la bavure policière qui le conforterait dans ses convictions de toujours et zappant si des « jeunes » ont mis le feu à un bus avec une handicapée à l'intérieur ! Comme dans les « cow-boys » d'antan, pour lui il y a les bons et les méchants ; pour s'informer, il suffit de (se) regarder en miroir les Guignols de l'info.

Mais ce réflexe antimilitariste conditionné contre l'idée (inimaginable !) de l'uniforme, se double d'un autre, tout aussi immédiat : « On ne revient pas en arrière ! » En quoi reprendre une vieille idée, révolutionnaire à l'époque, lutter contre les différences de classes, devient-il « réactionnaire » ? Uniquement parce que l'idée est vieille ? Parce qu'elle nous vient de notre passé, de nos anciens, soucieux de justice et de fraternité ?

La dictature du fric se double en effet d'une dictature du « moderne » et ce n'est pas un hasard si l'école dans ses réformes successives remplace la transmission par la communication, abandonne son ancienne mission de mettre en contact l'enfant avec les grandes œuvres du passé et, pour faire bonne mesure, met, à l'exemple des multinationales de la mode, le jeune sur un piédestal.

La seule différence dans l'uniforme est immédiate et belle : filles et garçons. Sans provocation, mais fièrement affichée. Même les cités en seront égayées. Fini les filles en jupe qui passent pour des putes. La jupe redevient un signe de féminité et, en plus, de sérieux scolaire. Il n'est rien de plus beau et joyeux qu'une entrée ou sortie de collège qui distingue dans le style et les vêtements, les garçons et les filles. Rien de plus sensuel que cette différence visible à un âge où l'amour n'est pas loin, s'il n'est déjà là. Différence en quelque sorte tranquille, respectueuse, digne.

Et il y a la rue, la cité. L'appartenance manifeste, comme incorporée, à un collège, à un lycée, situe immédiatement le garçon ou la fille : tel établissement scolaire précis, ainsi que son âge, sa formation, son apprentissage, son ambition professionnelle. Bref, l'uniforme inscrit clairement le jeune homme ou la jeune fille dans la chaîne sociale. Il responsabilise et protège en marquant fortement le passage de l'enfance à l'âge adulte.
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MessageSujet: Re: Faisons un rêve : L'uniforme à l'école   Faisons un rêve : L'uniforme à l'école EmptyMer 23 Aoû - 8:30

SUITE


Et quelle libération ! Une jeune fille d'origine maghrébine, qui portera jupe et corsage de son école, se libérera de tout le poids culturel, religieux, familial, en affichant, tout naturellement, et comme toutes ses camarades de classe, sa féminité. De même, un jeune Beur, en pantalon et chemise de son école, se dégagera de l'obsession de la frime, et des signes du clan. La seule communauté sera celle de son école, et de son pays. Les aspérités repoussantes, à l'embauche, de l'origine – le 93 par exemple – seront gommées puis à la longue effacées. Œuvre d'intégration autrement profonde que l'exhibition périodique de quelques réussites médiatiques (Jamel ou Joey Starr) ou sportives, même sous le nom éclatant de Zinédine Zidane. C'est encore flatter une jeunesse en perdition et déprécier l'école ! Que ce soit le but cyniquement mercantile de certains médias jeunistes – et il y en a ! – que ne ferait-on pas pour le fric ! Mais les responsables pédagogiques et politiques ont autre chose à faire que rentrer dans ce « show ».

En éliminant toutes les fausses supériorités de « look » et de « thunes », l'amitié et la civilité pourront s'installer plus facilement entre les élèves ainsi qu'entre ceux-ci et le professeur. Le travail s'en ressortira, mais aussi l'envie de s'amuser, de faire des fêtes, des sorties, des clubs, des voyages. Ou encore, on vient d'en voir toute l'importance pédagogique et humaine, des jumelages…

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Daniel Faivre, né avec la seconde guerre mondiale, est professeur de français engagé en 1968, longtemps responsable local du SNES. Itinéraire varié, du lycée Saint-Louis aux collèges de banlieue et auteur d'ailleurs d'un essai sur ceux-ci : Ta Mère Point Com.
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