Les femmes réticentes à porter plainte contre leur mari adultère
05-09-2006
Cambodge Soir - Adultère et bigamie seront désormais passibles d'une sanction pécuniaire ou d'une peine de prison. Ainsi en ont décidé la semaine dernière une majorité de députés, principalement du PPC, cela pour “préserver l'harmonie de la famille et la moralité”. Nombre d'élus d'opposition ont voté contre ce texte, estimant que l'Etat n'a pas à se mêler des affaires privées ou parce qu'ils craignent que ce texte soit utilisé comme une arme politique.
Cette loi prévoit en particulier que les femmes trompées pourront porter plainte contre leur époux, de même que des témoins d'adultères pourront saisir le procureur. Faut-il pour autant s'attendre à une avalanche de plaintes? Sok Heng, dont le mari entretient une maîtresse, n'envisage absolument pas de saisir la justice. “S'il en venait à me donner des coups, je pourrais peut-être envisager de porter plainte, mais pas pour qu'il aille en prison, juste pour lui donner une leçon. Mais je ne veux pas qu'il perde la face et son travail après avoir été condamné. Je ne souhaite pas que mes enfants soient traités de ‘fils d'un homme condamné pour adultère’. Je préférerais divorcer”, explique Sok Heng, ne cachant pas qu'elle se trouverait en grande difficulté pour vivre si elle devait divorcer.
Pour la patronne d'un restaurant situé dans la rue 63, seules les femmes à l'aise sur le plan financier pourraient peut-être porter plainte contre leur mari, “dans le cas où celui-ci ne voudrait pas cesser ses infidélités”. Mais, ajoute-t-elle, “les femmes cambodgiennes sont très soucieuses de l'honneur de la famille et de l'avenir des enfants. La plupart préfèrent se taire et que leur mari ne les abandonne pas. Elles laissent le mari avoir des maîtresses et ne cherchent pas de querelles. Comme cela, le mari couvre les besoins de la famille”, détaille cette femme.
Hu Naun, membre de la commission des lois de l'Assemblée, reconnaît qu'une majorité de femmes continuera à choisir le silence. “Mais nous espérons que cette loi mettra un frein à l'adultère, que les hommes désormais y réfléchiront à deux fois avant de prendre une maîtresse. Nous voulons changer la mentalité des hommes et femmes qui commettent l'adultère”, argumente la députée.
“Cette loi est utile et sera un moyen pour réduire la violence domestique”, avance pour sa part Ung Chanthol, directrice du Centre pour les femmes en difficulté. Dans 1 700 plaintes de femmes pour violence domestique enregistrées par l'ONG, il était fait mention d'un mari adultère. “Cette loi permettra de renforcer la fidélité. Quand les hommes ont des maîtresses cela engendre des disputes”, assure-t-elle.
Chheang Bopha