Le Cambodge face au changement en Thaïlande

Début octobre, avant d’entamer un voyage officiel en Australie, le Premier ministre cambodgien avait mis en garde ses opposants contre toute velléité de renversement du pouvoir à Phnom Penh, à l’instar de ce qui s’était passé en Thaïlande. C’était la deuxième fois en moins d’un mois que Hun Sen évoquait un éventuel complot contre lui. Ses craintes n’étaient pas fondées. Le Premier ministre est plus que jamais le maître tout puissant du Cambodge. La vie politique de ce pays est aujourd’hui marquée par la mainmise de plus en plus totale de sa formation, le Parti du peuple cambodgien (PPC). Car la principale formation d’opposition, le parti royaliste Funcinpec est en phase de déliquescence progressive, divisé par des rivalités internes et par des règlements de compte entre ses dirigeants.

Le 18 octobre, lors du dernier congrès extraordinaire, Keo Puth Rasmey a été désigné à l’unanimité comme le nouveau président du parti royaliste. Son ancien dirigeant, le prince Norodom Ranariddh, a été préalablement évincé, accusé «d’avoir miné toute coopération avec le PPC». Il dirigeait le Funcinpec depuis 1993 mais son action à la tête du parti était régulièrement mise en cause depuis qu’il avait perdu le poste de Premier ministre au profit de Hun Sen, en 1997.

Ainsi, Hun Sen a réussi à éliminer son principal adversaire, après l’avoir écarté de la présidence de l’Assemblée nationale. Mais la mise à l’écart du prince Ranariddh n’a pas suffi. La crainte d’un coup d’Etat à la thaïlandaise, dirigé contre lui, a provoqué un sérieux dérapage au sommet de l’Etat : Hun Sen a demandé à ses adversaires d’«amener leurs cercueils avec eux» s’ils décidaient de se lancer dans une quelconque action contre lui.

A l’approche des élections municipales qui auront lieu au Cambodge en avril 2007, une vaste campagne a été lancée pour l’inscription des votants au PCC, avec des moyens de pression considérables. Dans la province de Takéo, par exemple, ceux qui n’ont pas pris la carte du parti au pouvoir ont vu leur approvisionnement en eau coupé. Ces actions, souvent violentes, visent à donner au Parti du peuple cambodgien un quasi-monopole électoral et ainsi renforcer le pouvoir du Premier ministre.

La situation au Cambodge n’est pas comparable à celle de la Thaïlande, où le roi joue un rôle discret mais efficace pour protéger les institutions. A Phnom Penh, même si le roi Sihamoni semble vouloir donner sa bénédiction pour la création d’un Front royaliste, le roi Sihanouk veut que la monarchie reste à l’écart de la vie politique et interdit à tous les partis de se réclamer de lui.
Par Annie Bourrier (RFI)