Crise au barreau : les jeunes avocats impatients

Crise au barreau : les jeunes avocats impatients de prêter serment



Peu importe qui est le bâtonnier pourvu que le barreau fonctionne et qu’ils ne soient pas empêchés de prêter serment dans le délai le plus bref. C’est globalement la réaction des jeunes avocats de la 5e promotion du Centre de formation professionnelle des avocats, qui viennent d’achever leurs études, face à la crise dont l’institution est le théâtre depuis l’élection du bâtonnier.



Le 16 octobre, Suon Visal, avocat travaillant pour l’ONG Cambodia Defender Project, est préféré par ses pairs à Ky Tech, bâtonnier sortant. Mais ce dernier conteste le résultat du vote et porte l’affaire en justice. Le 19 novembre, la Cour d’appel, après une audience à huis clos, décide d’annuler l’élection de Suon Visal et réintègre Ky Tech dans ses fonctions. Cependant, l’affaire n’est pas pour autant close puisque le bâtonnier déchu a saisi la Cour suprême dont on attend toujours la décision.

Selon l’une des élèves de cette promotion, une cinquantaine de ses condisciples - sur un total de 74 - ont signé une pétition adressée à l’Ordre des avocats pour que celui-ci demande au procureur général de la Cour d’appel l’autorisation d’organiser la cérémonie de prestation de serment, préalable indispensable à l’entrée dans la carrière. “Cette dispute retarde notre prestation de serment. Cela ne va pas”, note Chan Phowattanak.



Partageant la préoccupation de sa collègue, Khiev Sombo trouve “étrange” la crise qui agite le barreau. “Avant, il n’y avait que les partis politiques qui se disputaient autour du résultat d’élections. La gestion du barreau n’est pas claire”, regrette-t-il. “Qui a tort ou qui a raison, je n’en sais rien. Je n’ai pas participé au vote ni observé l’élection, note un autre élève de la 5e promotion. Peu importe qui du nouveau ou de l’ancien bâtonnier l’emporte. Ceux- ci doivent d’abord penser aux intérêts communs des membres du barreau.”



Cette apparente neutralité des futurs avocats ne les empêche pas de s’interroger sur le fond de cette crise. Sous la présidence de Ky Tech, le barreau s’est vu doter d’un nouveau siège financé par le Premier ministre et a accueilli ce dernier ainsi que Sok An, Sar Kheng et Prum Sokha en son sein. En votant pour Suon Visal, les avocats ont peut-être manifesté leur inquiétude face à ces événements que d’aucuns ont pur ressentir comme une menace contre l’indépendance du barreau.



“Dans notre promotion, les sentiments sont partagés. Certains soutiennent Ky Tech, d’autres Suon Visal. L’admission au barreau des quatre hautes personnalités du gouvernement est à la fois un bon et un mauvais signe. D’un côté, cela montre que l’Ordre jouit d’une certaine considération la part des institutions gouvernementales. De l’autre, cela peut affecter son indépendance car les gens ont peur du pouvoir des hommes politiques”, relève prudemment Khiev Sombo.



Plus tranchée, l’une de ses consœurs considère que ces faits peuvent laisser croire que le barreau est impliqué en politique. “Certaines personnes m’ont dit qu’à cause de cela, elles doutaient du barreau”, note-t-elle. Cependant, pour Chan Phowattanak, le fait que Ky Tech ait obtenu pour le barreau un soutien matériel du Premier ministre ne peut lui être reproché. “Grâce à lui, le barreau n’a plus besoin de louer son siège. Ky Tech a seulement travaillé pour améliorer le fonctionnement de l’institution. Et son indépendance n’en a nullement été affectée”, assure-t-elle.



Duong Sokha