mercredi 29 décembre 2004, 15h17
Séisme: à Khao Lak, certains corps ne seront jamais identifiés
Par Darren Schuettler
KHAO LAK, Thaïlande (Reuters) - La puanteur des cadavres en état de décomposition massés dans un temple bouddhiste thaïlandais, morgue de fortune, est trop forte pour un Allemand survivant de la catastrophe qui a touché l'Asie du Sud-Est.
"Je ne peux plus rester ici. C'est trop horrible", lâche-t-il dans un souffle au moment de quitter un lieu que d'autres investissent à la recherche du corps d'un proche ou d'un ami tué par le tsunami qui a ravagé dimanche l'île de Khao Lak.
Environ 300 corps sont arrivés à Wat Yan Yao, le plus grand des quatre temples transformés en morgue, tandis que les équipes de secours continuent de ramasser les cadavres que la mer a laissés sur les rivages après son passage meurtrier.
Mercredi, à la tombée de la nuit, plus de 1.800 corps avaient été retrouvés sur la plage et dans les ruines des hôtels balnéaires à 200 dollars la nuit.
De petits groupes de Thaïlandais et d'étrangers passent devant les soldats chargés de garder l'intérieur du temple, où sont alignés des corps boursouflés dont les membres dépassent parfois des sacs mortuaires de fortune.
"L'identification peut prendre beaucoup de temps et certains corps ne seront jamais reconnu", dit un médecin légiste thaïlandais.
"NOUS FAISONS DE NOTRE MIEUX"
Pornthip Rojanasunant explique à Reuters qu'elle relève des échantillons d'ADN dans la bouche des cadavres ou en prélevant des cheveux.
Elle n'est toutefois pas certaine que cette procédure méticuleuse soit suivie dans les trois autres temples de l'île, qui recueillent de 100 à 200 corps par jour.
Les masques de chirurgie manquent. Alors, ceux qui pénètrent dans ces morgues improvisées se voient proposer des masques utilisés dans les avions pour se couvrir le nez et la bouche.
Des volontaires, peu habitués à ce genre de tâches, craquent.
"Certains d'entre eux n'ont jamais fait ça. C'est sale et ça sent mauvais. Personne ne peut supporter cela", reconnaît Pornthip Rojanasunant.
Ceux qui ont la force de travailler dans le temple par une température étouffante de 30°C connaissent les risques sanitaires.
Une équipe de dix volontaires, vêtus de blouses vertes, de bottes de caoutchouc et de masques de chirurgie, utilisent des arrosoirs pour épandre des produits chimiques sur les cadavres.
"Si on reçoit encore plus de corps, on aura besoin d'aide", prévient Nattata Premsarin, une volontaire du ministère de la Santé.
Le gouvernement a prévenu qu'aucun corps d'étranger ne serait enterré ou brûlé tant que le travail des médecins légistes ne serait pas terminé.
Seuls dix corps ont été identifiés par les étrangers, explique Pornthip, qui déplore le manque de matériel nécessaire pour prélever des échantillons d'os à mesure que les cadavres se décomposent.
"Je ne sais pas combien de temps ça va prendre, mais nous faisons de notre mieux chaque jour", assure-t-elle.