Des dizaines de milliers de manifestants ont réclamé samedi à Bangkok la démission du Premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra qu'ils accusent de "tyrannie" et de "corruption".
• Saeed Khan (AFP/AFP - samedi 4 février 2006, 19h03)
samedi 4 février 2006, 19h03
Thaïlande: des milliers de manifestants exigent le départ du Premier ministre
BANGKOK (AFP) - Des dizaines de milliers de manifestants ont réclamé samedi à Bangkok la démission du Premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra qu'ils accusent de "tyrannie" et de "corruption".
M. Thaksin, 56 ans, homme d'affaires reconverti dans la politique, est arrivé au pouvoir en 2001 et a été réélu triomphalement en 2005.
Ce rassemblement, qui se poursuivait à 16H45 GMT, est apparu comme l'un des plus sérieux défis adressés au Premier ministre depuis cinq ans.
Dans la soirée, le ministre de la Technologie, Sora-at Klinpratum, a démissionné. C'était la seconde démission d'un ministre au sein du gouvernement Thaksin en 24 heures.
Vendredi, la ministre de la Culture Uraiwan Thienthong, dont l'époux dirige une faction du parti au pouvoir, avait annoncé son départ afin de "préserver une éthique politique".
Le 23 janvier, une controverse a éclaté après la vente pour 1,9 milliard de dollars par la famille de M. Thaksin de toutes les parts qu'elle détenait dans Shin Corp, géant des télécoms qu'il avait lui-même fondé.
C'est Temasek, holding d'investissement du gouvernement singapourien, qui a acheté.
Les détracteurs du Premier ministre ont dénoncé la cession d'une entreprise stratégique à "des étrangers", le manque de transparence dans l'opération et le fait que le bénéfice de la vente ne soit pas imposable.
50.000 personnes selon la police, 100.000 selon les organisateurs, se sont rassemblées samedi à partir de 06H00 GMT sur une place de Bangkok située près du Parlement, scandant des slogans hostiles à M. Thaksin et réclamant son départ.
"Shin Corruption", pouvait-on lire sur une pancarte, tandis qu'une autre proclamait: "Bienvenue en Thaïlande, succursale de Singapour".
Le rassemblement était organisé par un patron de presse, Sondhi Limthongkul, qui, à l'automne dernier, a juré de faire tomber le Premier ministre.
Ex-partenaire d'affaires de M. Thaksin, M. Sondhi, 58 ans, attire régulièrement dans des parcs tous les mécontents du gouvernement depuis l'arrêt d'une émission qu'il animait à la télévision.
Samedi, il a remis une pétition destinée au roi de Thaïlande, Bhumibol Adulyadej, 78 ans, pour qu'il fasse pression sur M. Thaksin en vue d'une démission ou de nouvelles élections.
Le texte qualifie le Premier ministre de "dictateur qui est corrompu, manque d'éthique, n'a pas de respect pour la loi et abuse du pouvoir pour lui-même et sa famille".
De nombreux manifestants portaient des brassards et des T-shirts de couleur jaune, la couleur du vieux roi qui a accédé au trône il y a 60 ans.
Bhumibol ne dispose pas du pouvoir constitutionnel de limoger le Premier ministre mais est vénéré comme un Dieu par la grande majorité des Thaïlandais.
"Seul le roi peut me demander de démissionner", avait déclaré en début de journée le chef du gouvernement. "S'il me murmurait 'Thaksin, vous pouvez partir maintenant', je me prosternerais à ses pieds et démissionnerais immédiatement", avait-il dit, ajoutant: "Sinon, je ne me rendrai pas" parce qu'une "majorité du peuple souhaite que je continue à travailler".
La vente de Shin Corp fait toujours l'objet d'une enquête de la Commission chargée de vérifier la régularité des opérations en bourse.
Jeudi dernier, cette commission a estimé qu'il n'y avait pas eu de délit d'initié, mais que le fils de M. Thaksin, Pantongtae, pourrait avoir commis certaines irrégularités.
4.500 policiers ont été déployés pour éviter tout incident samedi. Les ambassades américaine, britannique et australienne avaient appelé leurs ressortissants à se tenir à l'écart du rassemblement.
Samedi soir, M. Thaksin se trouvait dans la région de Chiang Mai (nord de la Thaïlande), son fief électoral.