Thaksin : vrai ou faux retour ?
Any Bourrier
Il est rare d’assister à la victoire écrasante d’un homme politique à la tête de son pays pour le voir se retirer deux jours plus tard, poussé par le mécontentement populaire. Il est encore plus rare d’assister à son retour et l’entendre dire sans aucun regret : « J’ai complètement repris le travail ». C’est pourtant bien ce qui s’est passé en Thaïlande : le 4 avril, alors qu’il venait tout juste d’être réélu, le Premier ministre Thaksin Shinawatra a annoncé son retrait. Un mois et demi plus tard, le revoilà à la tête du gouvernement comme si de rien n’était. A sa demande, la résolution entérinant son remplacement par le vice-Premier ministre Chidchai Vanasathidya a été « révoquée ».
Ce retour peut-il mettre fin à la grave crise politique que la Thaïlande traverse depuis des mois ? Rien n’est moins sûr. Depuis le début de l’année, les accusations de corruption, la vente rocambolesque à un groupe singapourien de son conglomérat Shin Corp pour un milliard et demi de dollars sans payer l’impôt sur les sociétés et son mépris des intérêts de la Nation avaient mis le feu aux poudres. Sur le thème de la collusion flagrante entre les affaires et la politique, les classes moyennes et la jeunesse thaïlandaise se sont mobilisées. Des manifestations appelant à sa démission l’ont conduit à dissoudre le Parlement en février et convoquer des élections législatives anticipées. Leur résultat n’a fait que plonger davantage les institutions dans l’impasse. En effet, Thaksin et son parti Thai Rak Thai ont obtenu alors 57% des suffrages.
Aujourd’hui, avec un TRT qui règne pour le moment sans partage sur le pays et le monde des affaires encore acquis à la cause de Thaksin, l’avenir politique de la Thaïlande semble incertain. La crise a mis en lumière les divisions latentes entre la population rurale qui soutient massivement le Premier ministre et les classes moyennes citadines, de Bangkok en particulier, vivement opposées à son maintien au pouvoir.
Par ailleurs, l’Alliance du peuple pour la démocratie, la coalition de la société civile qui avait organisé les manifestations de Bangkok en mars et avril a dénoncé « le manque d’éthique et de crédibilité » dont souffre le chef du gouvernement et a annoncé la reprise de sa campagne contre lui le mois prochain après les célébrations du soixantième anniversaire de l’accession au trône du roi Bhumibol.
Mais la situation politique peut aussi évoluer de manière positive d’ici le 12 juin, date prévue de ces célébrations, attendues avec impatience par les Thaïlandais et que rien ne doit venir entacher. Phénomène rarissime, le roi est intervenu directement à la télévision le 25 avril pour demander à tous les acteurs de cette crise politique de respecter la Constitution. Il y a fort à parier que les sujets du plus ancien monarque en exercice dans le monde respecteront sa volonté.