Le Cambodge sous le feu des critiques

Le Cambodge sous le feu des critiques



La démocratie cambodgienne est sérieusement à la dérive. Mais les pays donateurs, qui mettent plus d’accent sur la stabilité politique que sur les progrès démocratiques, semblaient s’en accommoder. Jusqu’au jour où l’absence d’Etat a fini par assombrir le climat économique. Comme le démontre l’avertissement de la Banque Mondiale inscrit dans le rapport «Le Cambodge à la croisée des chemins», publié à quelques jours de la réunion des pays donateurs les 6 et 7 décembre à Phnom Penh. Selon ce rapport «ne pas accélérer les réformes maintenant serait très coûteux pour les Cambodgiens et pour l’avenir de l’Etat ».

Il est vrai que dans ce pays, l’un des plus pauvres du monde, avec un revenu annuel inférieur à 300 dollars, la notion d’Etat a disparu. Tout n’est qu’intérêt personnels, compétition pour le pouvoir et les sources d’enrichissement. L’ensemble du système fonctionne à coups d’enveloppes. Un autre rapport, plus ancien, de la Banque Mondiale, estimait les pots-de-vin deux fois plus importants au Cambodge qu’au Bangladesh, pays considéré comme l’un des plus corrompus du monde.

Depuis une décennie, les pays donateurs comblent chaque année le déficit des finances publiques cambodgiennes sans se préoccuper outre mesure de l’utilisation ni du détournement des capitaux qu’ils octroient. L’année dernière, ils ont accordé une aide de 550 millions de dollars. Pour autant et malgré une croissance relativement soutenue d’environ 5% ces dernières années, on ne constate aucune diminution de la pauvreté, bien au contraire. Une étude d’avril 2004 montre qu’environ 43% de la population vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté, avec tout au plus l’équivalent de 1 dollar par jour.

Dernière touche au tableau : un rapport des Nations unies révèle que les saisies de narcotiques ont augmenté de façon considérable en 2003 et 2004. Les trafiquants sont couverts par le pouvoir dont ils sont également les banquiers.

Amnesty International est elle aussi préoccupée par la situation au Cambodge. Son dernier rapport sur les droits de l’Homme dans ce pays met l’accent sur les défaillances de l’appareil judiciaire, un secteur faible, corrompu et soumis aux ingérences politiques. «Nous pensons que le problème le plus grave est celui de l’impunité. Du fait du climat d’impunité, des membres de la police et des forces armées peuvent imposer leur volonté et commettre des exactions à l’encontre des civils, certains de n’avoir jamais à répondre de leurs actes», affirme son rapport rendu public ce 3 décembre.


Any Bourrier